lundi 27 décembre 2010

Entretien avec Martine PAGES






1°) Lauréate du prix de la Nouvelle organisée par PPDA en 2007, tu as publié une nouvelle (concours Volpilière 2008) et deux livres depuis (Céanothes et Potentilles éditions Volpilière et Mon guide de la défume aux éditions Guy Trédaniel).

Quelle est ton aventure avec l’écriture et quel rapport as-tu avec elle ?

L’écriture s’est imposée dès l’enfance. J’obtenais de bonnes notes. C’était la matière « français » qui me faisait « passer » de classe en classe.
J’entretiens un rapport sensuel avec elle. Il est aussi obsessionnel : si je commence un ouvrage, il m’est impossible de ne pas m’y atteler tous les jours. Des soucis de santé récents m’ont fait perdre du temps, je suis en train d’essayer de le rattraper. Mais des idées se sont envolées dans les névralgies. Pour le coup, c’est une véritable douleur. Deux ou trois chapitres, et la plaie sera pansée ! Je passe un temps incroyable à la correction. Le manuscrit se doit d’être aussi bon que beau. De la même façon qu’une petite main vérifie que l’envers de son napperon est aussi réussi que l’endroit, je suis très sévère avec moi-même et ne m’accorde aucune excuse.


2°) « Tous les romans viennent du cœur » disait François Mauriac. Je sens derrière chaque mot que tu écris une profonde sensibilité que cela soit dans ton roman ou dans le guide de la défume. Que penses tu de cette citation ? Est ce qu’elle te parle ?


Oui, radicalement. J’ai conscience que mon cerveau m’oriente vers de jolis mots et surveille les règles d’une bonne syntaxe. Pour autant, il s’agit bien d’émotions, de partage, de générosité et d’abandon. Je sais mon cœur coutumier du fait. Mais je suis assez scolaire. Aussi, il y a une part de raison qui me dicte de rédiger mes textes à l’attention des personnes que je veux toucher.

Oops, eh bien non, on en revient toujours au cœur, finalement…

3°) Dans mon guide de la Défume, on voit la femme passionnée que tu es et la passion rime souvent avec excès. Si tu as arrêté de fumer, tu n’en as pas perdu la passion. Quels sont tes nouvelles drogues/excès ?

Ok. Je suis un régime drastique, ce qui proscrit les ruées sur les frites. Je bois une douzaine de thés verts par jour, qui me donne l’illusion de la chaleur que la cigarette m’offrait, quand sa fumée pénétrait ma gorge. C’est un bon leurre. Et un leurre bio ! J’ai un peu jeté mon dévolu sur un très bon Anjou. C’est assez récurrent, mais pas alarmant. Deux verres le soir m’apaisent et je mets au défi quiconque de m’observer me rouler par terre et d’en faire le récit.

4°) Quels sont les auteurs classiques et/ou contemporains que tu apprécies ?

Je vénère littéralement Claire Castillon. Helena Noguerra m’a également touchée ; ses deux romans sont de véritables prouesses. J’attends le troisième avec impatience. Ces deux auteures sont capables d’une « impudeur de bon goût ». Elles sont très littéraires et leurs mots font transpirer une lucidité rare. Marie Billetdoux aura été mon premier coup de foudre. C’est bien elle qui m’a appris, à la lecture de « Prends garde à la douceur des choses » à décrire les émois vifs et confondants, qui ponctuent chacun de mes livres.

5°) Dans Céanothes et Potentilles, Blanche, personnage principal, se retrouve seule. Est- ce que l’écrivain Martine Pagès se sent seule ou est-elle bien entourée dans le milieu littéraire ?

J’ai la prétention d’être liée à deux maisons d’éditions. Elisabeth Mozzanini m’a donné par deux fois ma chance et sait procéder au mieux avec ses auteurs (Volpilière). Les éditions Guy Tredaniel ont cru en moi pour « Le guide de la défume ». Deux romans la même année, c’est une belle façon de faire la nique aux fortunes qu’on a tous dépensées aux PTT. Oui, je me sens affreusement seule, même si ma famille est on ne peut plus présente. Lorsque l’on n’a ni mari ni enfant, on entend souvent « Tes livres, tu en as accouché ». C’est faux. Rien ne remplace des coups de pieds dans le ventre ni la délivrance. Je n’ai pas eu la joie de traduire un test de grossesse et aucun homme n’a coupé le cordon pour me promettre la protection. Je ne veux plus entendre ce genre d’aberrations venant de…parents.

6°) Parmi les nombreux passages de qualité de Céanothes et Potentilles, un a retenu mon attention « Blanche veut le Simple et le Simple est un panneau d’interdiction, un passage piéton au petit bonhomme programmé pour être toujours rouge, si bien que si l’on est à pied, on peut attendre des années avant de traverser la chaussée. On lui dirait bien de prendre des chemins de traverse, à Blanche ».
Est ce que Martine PAGES est en train d’attendre que le petit bonhomme passe au vert, est-elle en voiture sur une autoroute ou bien s’apprête-t-elle à prendre des chemins de traverse ?

J’ai tenté les chemins de traverse, à pieds, par curiosité, pour faire différent. Ça ne m’a pas toujours réussi. Sur les conseils de personnes qui se prétendaient avisées, j’ai finalement roulé en auto sur de grands axes. Or, sur ces autoroutes, les accidents sont effrayants, voire mortels. Ma voiture stationne en ce moment même dans mon garage et je l’ai vidée de son essence. Je tente de trouver un chemin suffisamment balisé, mais sans arrêts imposés. Avec bonhomme bleu. Oui, je sais…

7°) Je pense à Mon guide de la Défume en cette fin d’année. Quels sont tes vœux pour 2011?

Un vœu de princesse. Trouver l’amour. Ce sera un moteur neuf. J’irai alors faire le plein et m’essayerai à tous les trajets que proposent les cartes routières. Sans crainte de panne sèche, ni de chaos. Enfin.

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dimanche 26 décembre 2010

Entretien avec Laure MEZARIGUE


1°) Un premier roman est la découverte d’un style et d’une auteure. Comment te présenterais-tu en quelques mots ?



Je suis un auteur humoristique. C’est très difficile de faire rire, mais pour moi c’est la voie la plus noble pour atteindre le cœur des gens. Le comique est souvent minimisé et décrédibilisé en raison de la forme employée pour véhiculer des messages, mais je ne connais pas de moyen plus désarmant et plus fort pour toucher quelqu’un. Les messages d’humour sont souvent des messages d’amour d’ailleurs, à mes yeux. L’une des modalités humoristiques que je travaille le plus consiste à faire naître le rire de situations de contraste. D’ailleurs, celui qui maîtrise cela, a tout compris à mon sens. Les frères Astier, par exemple, exploitent parfaitement ce mécanisme dans des séries comme « Kaamelott » ou « Hero Corp » : un super héros qui fait des bulles de savon en guise d’attaques, c’est juste énorme. Sinon, j’aime bien frapper le lecteur au moment où il s’y attend le moins, c’est mon côté sniper. Le rire doit être franc, généreux. Le lecteur doit se marrer à s’en décrocher la mâchoire, sinon, on passe à côté. Le meilleur test, c’est lorsque je me relis et que je ris moi-même de ce que j’ai écrit. Là, je sais que j’ai atteint mon but. Et lorsque je parviens au fou-rire, sous le regard souvent médusé de mon entourage, alors, je sais que j’ai gagné.



2°) Quelles sont tes références littéraires ? As-tu des grands auteurs en tête ?



J’aime beaucoup Carlos Ruiz Zafon, je trouve que « L’Ombre du vent » est l’un des meilleurs romans qu’il m’ait été donné de lire ces dix dernières années. Sinon, je lis beaucoup de romans policiers. Dennis Lehane n’est jamais très loin de ma table de chevet et, dernièrement, j’ai découvert Jesse Kellerman : la construction narrative et la fin de son roman « Les visages » sont remarquables. Bon, il a le même âge que moi et j’ai eu vaguement l’envie très cordiale de lui mettre trois balles dans la nuque tant son talent m’a exaspérée. Mais passé ce moment d’égarement, j’ai convenu avec moi-même de lui laisser la vie sauve pour avoir le bonheur de le lire à nouveau. Sinon, côté classiques, j’admire des auteurs comme Faulkner, John Kennedy Toole et Céline. Faulkner est vraiment la référence ultime pour moi. Avec le flux de conscience, il a inventé cette forme d’écriture inouïe qui se sert juste de la perception d’une émotion pour dicter à un personnage son discours intérieur. Le monologue de Benji dans « Le bruit et la fureur » a été une découverte littéraire majeure pour moi et ne cesse encore de me hanter lorsque je tente, à ma toute petite échelle, de reproduire l’effet d’un ressenti sur l’un de mes personnages. Enfin, j’ai été dans une autre vie étudiante en littérature africaine et je nourris un amour sans borne pour des auteurs comme Hampâté Bâ, Monenembo, Kourouma ou encore Sassine.



3°) As tu des rites lorsque tu écris?



Oui. Je me mets toujours en condition en écoutant de la musique. Ensuite, je m’emmitoufle dans ma couette d’écriture (C’est bien simple, en ce moment, j’ai trois couettes : une pour chouiner, une pour dormir et une pour écrire. Les trois couettes en question n’étant pas forcément localisées au même endroit… C’est super important de bien savoir répartir ses couettes chez des gens de confiance dans la vie, tu sais…) Donc je me mets en position de combat pour écrire, sous ma couette d’écriture, le portable sur les genoux, le chat effectuant, une fois de temps en temps, un vol plané dans la pièce quand il devient trop envahissant et je me sers de l’état émotionnel produit par la musique pour écrire. En ce moment, je suis dans une période plutôt classique. Chopin, Schubert, Schumann et Satie sont mes compagnons d’écriture du moment. Il y a pire, je crois, comme potes de chambrée. Pour « Les Chroniques d’une pieuvre », en revanche, j’ai écouté en boucle Alain Bashung, Rufus Wainwright, les Tindersticks, Les Clashs, Nina Simone ou encore Bowie. Ils m’ont transportée et accompagnée jusqu’à la fin du bouquin. La musique est indissociable de mon écriture, de ma façon d’être, de ma vie.



4°) Tu arrives à mêler l’ironie, la tristesse et la sensualité avec brio dans tes écrits. Est ce que l’écriture est pour toi automatique ou le fruit d’un long travail ?



L’écriture est, pour moi, avant tout le fruit d’un long travail. J’écris un premier jet sous un afflux d’émotions (allégresse, tristesse etc…) et ensuite je les ciselle jusqu’à obtenir l’effet voulu. J’ai fait de la sculpture pendant quelques temps et je reproduis exactement la même chose en écriture. Je travaille une première forme qui me parle, puis je la peaufine et gomme les aspérités pendant des heures, des semaines, voire des mois. Ce sont les finitions. Je n’atteins jamais la perfection, c’est impossible. Mais au moment où je me sépare de mon livre et qu’il ne m’appartient plus, j’ai moins peur de la réaction de l’autre, parce que j’ai fait tout mon possible pour lui rendre un travail de la meilleure facture qui soit, à mes yeux.



5°) Tu partages tes écrits sur la toile à travers ton blog (http://tentaculture.typepad.com/). Quel regard porte la jeune auteure que tu es sur les nouveaux supports de communication des auteurs pour se faire connaître (blog, réseaux sociaux, …) ?



Effectivement, je tiens un blog et me sers de Facebook et de Twitter pour diffuser mes textes depuis mon site. Je trouve que ce sont des outils de communication indispensables pour mener à bien sa diffusion, surtout lorsque l’on est en auto-publication, comme c’est mon cas. Et puis, la plupart du temps, les réseaux sociaux sont des accélérateurs de particules qui vous amènent à rencontrer rapidement des lecteurs en chair et en os. Mais je ne vais pas forcément chercher à vendre mes livres à quelqu’un. Je vais toujours, dans un premier temps, l’inviter à aller voir mon travail, afin qu’il se fasse une première idée. Et si ce qu’il a entrevu lui a plu, alors il peut aller commander mon bouquin. Les réseaux sociaux sont donc, pour moi, une mise en bouche progressive de mon lecteur. Si ce qu’il pioche dans le menu lui convient alors il peut aller jusqu’au dessert. Mais cela reste son choix.



6°) Quels sont tes projets d’écriture ? Est ce que la confidentialité est de rigueur ou peux-tu nous les évoquer?



Actuellement, j’écris mon second roman qui s’appelle « L’agrément ». Il raconte la journée peu ordinaire d’une inspectrice du travail qui va rendre visite à une association chargée d’insérer professionnellement des gens en très grande difficulté psychologique. Et ce voyage dans la vie peu banale de personnes qui doivent apprendre à gérer quotidiennement leur folie va lui en apprendre beaucoup plus long sur elle-même que toutes les thérapies au monde.


Avec Martine PAGES et Laure MEZARIGUE, nous nous sommes lancés dans l'aventure magnifique du twinome! C'est pour celà que je vous invite à découvrir l'entretien réalisé de Martine PAGES également en suivant ce lien!
http://clementchatain.blogspot.com/search/label/Martine%20PAGES

Merci à vous tous de nous suivre dans cette belle histoire!


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Entretien avec Marie Laure BIGAND


1°) Dans quelles conditions écris tu ? As-tu comme certains auteurs des rites bien particuliers sans lesquels tu ne pourrais pas écrire ?


Alors non, je n’ai pas de rites. J’écris dès que j’ai un moment. Je peux écrire parfois tous les jours, et puis à d’autres moments rester plusieurs jours sans une ligne. Cependant lorsque j’ai un roman en cours d’écriture, mes personnages ne me quittent jamais. Lorsque je suis dans un entre-deux, c'est-à-dire un roman terminé, et le suivant pas encore entamé, je me sens très seule, mais ce temps-là est nécessaire pour digérer la perte de mes personnages avec lesquels j’ai passé tant de temps. J’aime aussi écrire des petits textes courts, qui eux viennent sans prévenir ; mais à ce niveau-là j’ai remarqué que je fonctionnais vraiment par période, des périodes d’inspiration. Lorsque ces périodes me quittent un peu je ne m’affole pas car je pense que ce « vide » est nécessaire pour rebondir et se ressourcer.


2°) Un roman est toujours un mélange complexe d’anxiété et de bonheur, comment as tu vécu son édition et comment vis tu sa deuxième naissance ?

« Le premier pas » est mon deuxième roman. Même s’il y avait eu avant un premier roman, il a fallu que je cherche à nouveau un éditeur. Une fois que mes envois étaient partis et que j’étais dans l’attente, je suis très vite repartie sur un nouveau projet. C’est essentiel pour faire face aux réponses négatives qui sont inévitables. Ce n’était pas vraiment de l’anxiété mais l’appréhension que tout s’arrête. Et puis, j’ai eu la chance d’avoir trois réponses positives pour ce deuxième roman. Il a donc eu une première vie, un peu compliquée. Ma deuxième éditrice a fermé, mais entre-temps j’avais eu la chance de trouver celle qui est aujourd’hui mon éditrice : « Laura Mare ». J’ai publié avec elle mon troisième roman « D’une vie à l’autre », et pour elle mon roman « Le premier pas » se devait d’exister à nouveau. Elle m’a donc proposé sa réédition. Je ne la remercierai jamais assez pour ce beau cadeau. Et je vis cette nouvelle aventure aussi intensément qu’à sa première parution, parce que voir son livre prendre vie est la meilleure des récompenses pour un auteur.


3°) Le premier pas aborde des thèmes complexes comme la séropositivité. Est ce que je me trompe en disant qu’il y a au delà de ce roman, un vrai message ? Si oui, peux-tu nous l’évoquer en quelques mots ?


Beaucoup de choses m’intéressent. Pourquoi avoir abordé le problème du Sida ? Je ne sais pas vraiment… Ce thème-là me tenait à cœur. L’idée qu’une de mes héroïnes soit blessée par le regard des gens s’est alors imposée. J’ai lu beaucoup de témoignages, dont celui d’une infirmière qui a travaillé durant trois années dans un service avec des sidéens en fin de vie. Durant des semaines, j’ai lu tout ce que j’ai pu sur ce sujet. Il était important que je m’imprègne de l’état d’esprit des personnes séropositives. Après, l’histoire est venue d’une manière très naturelle. Et c’est au lecteur d’y trouver un message ou pas. J’invente des histoires, pas pour faire passer un message, mais pour raconter des vies que l’on peut, peut-être, croiser un jour…



4°) As tu des projets littéraires et peux tu nous en parler un peu ou cela est-il confidentiel ?


Rien de confidentiel. Je viens de terminer mon quatrième roman, et maintenant je le relis pour tenter de l’améliorer le plus possible. C’est un gros travail mais il est indispensable. Ensuite je le soumettrai à mon éditrice, et c’est là que je serai anxieuse. Lui plaira t-il assez pour qu’elle en accepte la publication ?

L’idée du cinquième commence doucement à se profiler, mais rien de définitif encore…


5°) Quelle est ta vision de la littérature contemporaine ?


J’écris mais j’adore lire, impossible pour moi de ne pas avoir un livre en cours de lecture. Il y a de la très bonne littérature. Pour moi c’est lorsque je referme un livre et qu’il me faut un moment pour me remettre de la lecture parce que j’ai été emportée et que l’écriture m’a happée. Et puis, bien sûr je suis déçue parfois… Aujourd’hui il y a de plus en plus de livres et de moyens de publications, et je trouve que c’est un peu difficile pour le lecteur de s’y retrouver. Je suis aussi très attentive aux critiques que je peux lire ou entendre.

Il y a d’excellents écrivains contemporains, mais heureusement les goûts des uns ne sont pas les goûts des autres, ce qui laisse la place à un large éventail.

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Entretien avec Pierre CHALMIN




Pierre CHALMIN, à l’occasion de la sortie de son dernier livre, Dictionnaire des injures littéraires (L’éditeur), a eu la gentillesse de répondre à quelques unes de mes questions.










1°) Comment est née l’idée de ce dictionnaire ?

L’idée est ancienne déjà, je l’ai eue il y a une dizaine d’années. J’avais en tête le mot de Léautaud : « Aimer, admirer, respecter, c’est s’abaisser. » J’étais révolté par la complaisance stipendiée de nos pseudo-critiques littéraires. J’ai voulu présenter les hommes célèbres, les gloires incontestées, sous la plume de leurs pires détracteurs. Je me rappelais aussi le mot de Chamfort : « La postérité n’est jamais qu’un public qui succède à un autre ; voyez ce que vaut celui d’aujourd’hui. » Bref, je voulais donner un coup de pied dans la fourmilière des idées reçues, bousculer le lecteur, qu’il comprît que les notoriétés se fabriquaient, qu’on n’était pas tenu de prendre pour argent comptant la réputation de tel écrivain consacré, tel poète réputé, tel peintre exposé au Louvre. Que la culture, c’est d’abord d’oublier toutes les conventions d’admiration et se forger ses propres critères. Enfin, la méchanceté, par définition plus lucide que la bonté, est un excellent excitant littéraire. On fait de bons mots avec de mauvais sentiments, c’est connu.


2°) Comment es-tu arrivé à rassembler l’ensemble de ces injures ? As-tu eu une méthode bien précise ?

En lisant !… Quant à ma méthode, je suis au regret de confesser qu’elle fut fantaisite. Si j’ai puisé systématiquement chez certains méchants réputés, de Voltaire à Cocteau en passant par Sainte-Beuve, les Goncourt, Flaubert, Barrès, Zola, Céline, Gide Mauriac ou Léautaud, j’ai repris des notes éparses, tenté de remettre la main sur un millier de citations paresseusement cornées dans quelques centaines d’ouvrages dont certains avaient entre-temps disparu de ma bibliothèque… Bref, une irritante impéritie, qui explique les lacunes nombreuses de ce Dictionnaire qui aurait dû avoir trois fois le volume qu’il a. Mon éditeur n’a pas souhaité d’autre part faire entrer dans cet ouvrage un grand nombre d’inconnus que je ressuscitais pour la beauté des outrages qu’on leur avait décernés.

3°) Pourquoi avoir souhaité ne pas limiter finalement ce dictionnaire aux pures figures littéraires?

Je regrette que le titre de ce dictionnaire prête à confusion : il s’agit d’un dictionnaire des injuriés, je n’ai jamais eu d’autre projet en tête et n’ai pas « finalement » décidé d’élargir mon sujet… Le titre initial était : Dictionnaire des Injuriés. Mon éditeur en a changé sans me consulter. Il avait au moins une bonne raison à cela : celle de pouvoir décliner l’idée si cet ouvrage marchait. C’est ainsi qu’on m’a annoncé que paraîtrait bientôt un « Dictionnaire des injures politiques »… Il s’agit de marketing et de rien d’autre.

4°) Quelle est ton injure préférée dans ce dictionnaire ?

La longue épître qu’adresse Fénelon à Louis XIV (p.391-398) : il se met à la place de Dieu le Père, c’est l’altitude idéale et la seule position possible pour outrager un Roi de droit divin, celui qui passait pour le plus grand de la Terre. Une prosopopée sublime. Le Jugement Dernier avant l’heure. Les griefs de Fénelon sont historiquement et moralement fondés, et son français est un pur délice, ce qui ne gâte rien.

Pour reprendre un mot de La Bruyère que je place en épigraphe : « La moquerie est de toutes les injures celle qui se pardonne le moins. » Les injures moqueuses ont ma préférence : elles témoignent du sang-froid de l’insulteur qui loin de se laisser emporter par la haine ou la colère, ne vise qu’à ridiculiser son adversaire. La missive de Voltaire du 30 août 1755 à Rousseau, réfutant allégrement la théorie de l’homme perverti par la société et qui se termine sur une invitation à venir à Ferney « brouter nos herbes » (p. 589), est un modèle du genre.

J’ai souvent été injurié dans ma vie. Chaque fois que je décelais la hargne de mon ennemi, sa volonté de me faire du mal à tout prix, j’éclatais de rire ! Il avait perdu : il me haïssait, j’occupais par conséquent son esprit (si peu qu’il en eût) bien plus qu’il n’occuperait jamais le mien : il ne me restait qu’à le mépriser…


5°) As-tu eu des limites, te disant : « Cette insulte, je ne peux pas la mettre… » et si oui, pourquoi ?

J’ai sans doute censuré de mon propre chef quelques injures que je jugeais trop bêtes, à l’encontre d’auteurs qui me sont chers.

Mon éditeur quant à lui a eu des scrupules commandés par le droit pénal ou l’idéologie actuelle. Beaucoup d’injures antisémites ont été supprimées, évidemment liées à un contexte historique déterminé. Des injures misogynes ou « homophobes » également. Il paraît que de Gaulle et/ou les Arabes sont aussi à ménager aujourd’hui. Cette injure a par exemple été supprimée :



« Qu’est-ce que les Arabes ? Les Arabes sont un peuple qui, depuis les jours de Mahomet, n’ont jamais réussi à constituer un État… Avez-vous vu une digue construite par les Arabes ? Nulle part. Cela n’existe pas. Les Arabes disent qu’ils ont inventé l’algèbre et construit d’énormes mosquées. Mais ce fut entièrement l’œuvre des esclaves chrétiens qu’ils avaient capturés… Ce ne furent pas les Arabes eux-mêmes… Ils ne peuvent rien faire seuls. »

Charles de Gaulle

cité par Cyrus Sulzberger, Les Derniers des Géants



Je m’y attarde parce qu’elle jugeait autant l’insulteur que les injuriés. C’est ainsi que beaucoup d’outrages que j’appellerais des « auto-injures », ont sauté, le lecteur dans sa parfaite bêtise n’étant pas censé comprendre qu’il y avait de l’ironie dans le choix du compilateur, et qu’en somme l’insulteur se ridiculisait tout seul…

Enfin, on pourrait parler des injures auxquelles j’eusse finalement renoncé, celles qui visent nos contemporains : « On a toujours un peu honte de citer des noms qui dans cinquante ans ne diront plus rien à personne. » (Baudelaire)


6°) Comment perçois-tu le milieu littéraire actuellement?

Comme un milieu au sens mafieux du terme.

Une industrie qui trafique les influences, brasse beaucoup trop de papier et encore plus de vent.

Les grands éditeurs parisiens ne publient, en fait de nouveautés, que de la merde : l’éternelle autofiction de la petite fille incomprise ou du poète maudit, qui s’étalent piteusement, noircissent des pages autour de la littérature, ne mettent pas leur peau sur la table, ne disent rien et le disent fort mal. Ils n’ont rien lu, rien vécu, rien senti. Des ectoplasmes illettrés.

Mais je ne crois pas à l’auteur génial victime d’une conspiration universelle : un véritable chef-d’œuvre finirait par être publié, hasard heureux ou salutaire malentendu. J’écris cela dans l’illusion de décourager les centaines de milliers de graphomanes que compte notre pays. S’ils ont été refusés, qu’ils n’insistent pas ! (Je fus moi-même éditeur, je sais de quoi je parle.)

Il existe enfin, en marge du « milieu », des petits éditeurs audacieux, cultivés, enthousiastes. Ils sont quelques-uns au goût assez sûr.

Si j’avais un conseil à donner, ce serait de ne pas lire ses contemporains, non seulement parce qu’il n’y a pas de raison de commencer par la fin, mais encore parce que notre époque est littérairement piteuse : il n’est que de la comparer pour s’en convaincre.


7°) Que penses-tu du prix Goncourt attribué à Michel Houellebecq et du Renaudot attribué à Virginie Despentes ?


« Un auteur qui reçoit un prix littéraire est déshonoré. » Je finis comme j’ai commencé, en citant Léautaud. Je ne comprends tout simplement pas que les lecteurs, sachant la corruption des jurés et du système, achètent des livres primés. C’est encourager le vice. Mettons que ces distinctions prouvent par l’absurde que les livres et les auteurs qui en font l’objet ne valent rien.

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Chroniques d'une pieuvre Laure MEZARIGUE


« Le premier béta-test, je l’ai choisi car avec ses grands yeux de panda triste, je n’avais probablement rien à craindre de lui ! Et bien que nenni, l’Homme Panda s’est avéré être un redoutable journaliste issu du monde de la mode qui passait son temps à fréquenter des mannequins et des filles de la jet-set. Vous la sentez venir la catastrophe ? Loin du clinquant, des modeux sans fric et des divas de la nuit, j’allais me frotter à mon double antithétique. De toute façon, quand j’ai compris à qui j’avais affaire, il était trop tard, j’étais déjà piquée des échanges en ligne. »








Ma chère femme pieuvre,

J’ai lu avec attention votre livre et je tiens à vous signaler que j’ai eu un immense bonheur à parcourir les pages de ce petit bijou littéraire haut en couleur et en portrait.


Notre société contemporaine vue à travers une jeune femme en quête d’un homme, suite à un divorce douloureux, se retrouve sur un site de rencontre. On pourrait penser, ma chère Laure, que votre thème est plus que banal et redondant mais c’était sans compter votre sens de la répartie et votre ironie qui offre au delà d’un pur plaisir littéraire une description de ces sites très intéressante.


Ainsi, on apprend à connaître « l’Homme-Refuge », « l’Homme-Panda », « l’Homme-Mégalo », « l’homme-Don-Juan », « l’Homme-Siddhârta ». Bien entendu, le piège, chère Laure, est de penser à ce stade que je n’ai pas lu votre livre parce que je ne fais que citer les hommes présentés dans votre sommaire mais détrompez vous, contrairement à certaines autres personnes mal intentionnées, je lis les livres que je chronique. Il faut donc rajouter, « l’Homme Baobab », « l’Homme-Gourmet », « l’Homme-Angora », « l’Homme-Politique » et le « Sperman ». J’espère ne pas en avoir oublié puisque bien sur, « l’Homme-Geek » n’est pas selon moi à classer ici…contrairement à ce que son nom puisse laisser paraître.


Pourquoi cher lecteur de cette chronique ne vous dirais-je pas pourquoi il n’a pas cette place dans la liste ? Parce qu’il faut que vous lisiez ce livre. Oui, chère femme pieuvre, je suis désolé, je vous trompe déjà avec mes lecteurs en écrivant cette lettre…Que voulez vous la galanterie masculine n’existe plus…Mais vous constaterez que c’est pour la bonne cause. L’homme cherche toujours des prétextes…


Le pari était osé pour ce premier roman, faire rire, tout en parsemant ce dernier de passages érotiques et en décrivant simultanément les nouvelles formes de rencontre. Que puis je vous dire ? La mission est parfaitement réussie.


Au lieu de parler inutilement ma chère Laure depuis tout à l’heure dans cette conversation à plusieurs, j’aimerai vous lire pour que vous (et les lecteurs de cette chronique) preniez conscience de votre talent.


« Mais mon exploration du web avait tourné à l’addiction, à tel point que mon existence de tous les jours était partie en lambeaux. Je voyais s’amonceler les assiettes crasseuses, les courriers non décachetés et les vêtements sales comme autant de vestiges d’une vie domestique totalement oubliée. J’avais pris l’habitude de capitaliser des amis invisibles qui avaient fini par phagocyter mes vraies relations. C’est comme si je m’étais dématérialisé en une pluie de pixels pour être totalement absorbée au cœur du système. »


Avec toutes mes amitiés littéraires,

L’Homme-Passionné »

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Le premier pas de Marie Laure BIGAND


« Je me fis couler un bain bien chaud. Je saisis un échantillon d’exfoliant pour le corps qui traînait sur le rebord de la baignoire, et me mis à frotter avec rage. Il était écrit que ce produit miracle « élimine les impuretés et cellules mortes pour lisser, tonifier et rendre la peau douce et veloutée. » J’étais septique, et puis, personne ne m’attendait dans mon lit pour en profiter. Pourtant je m’acharnai en frictionnant vigoureusement. N’était-ce pas les déceptions de ma vie que je tentais d’éliminer ? »





Une vie familiale banale

Le début de ce livre commence par une histoire banale. Irène, divorcée, se retrouve à élever seule sa fille en pleine crise d’adolescence et de révolte. Elle profite du divorce de ses parents pour faire ressentir à sa mère un profond malaise qui va la mener certainement vers une crise existentielle. Elle a quelques amies mais parmi toutes ces dernières, il semble manquer la pièce maîtresse, l’amie accompagnatrice de l’ensemble des instants pour partager peines et joies.

Irène, face à sa fille Solène demandant à passer plus de temps avec son père et sa nouvelle compagne, accepte le jeu en pensant que cela va permettre de calmer la donne et qu’elle va pouvoir enfin retrouver une situation normale avec sa fille.

C’est ainsi que tout va pouvoir réellement commencer…


Une rencontre décisive

En voyant Laetitia (une amie de sa fille) et Solène marchant devant elle, Irène se revoit avec sa meilleure amie, Patricia dont elle n’a plus de nouvelles depuis une vingtaine d’années.

C’est ainsi que se retrouvant seule pendant les grandes vacances, elle décide de retourner dans son passé en quête de sa meilleure amie.

Je suis parti totalement à l’aventure de ce roman. Je n’ai pas lu la quatrième de couverture, je n’ai pas lu d’autres articles sur ce livre, je me suis fié à l’auteure. Je suivais de loin son actualité facebookienne mais j’ai été séduit par son style d’action littéraire et par sa gentillesse en la croisant sur le chat Facebook.

Je me retrouve à avancer au fil des pages en les tournant sans hésiter et en me demandant vers où Marie Laure Bigand va nous entrainer. Je suis admiratif du talent de l’auteure constant tout au long de ce livre.

Elle va retrouver Patricia, la fameuse amie d’enfance mais la situation est étrange. Les descriptions nous font ressentir quelque chose de profond et d’inquiétant. En même temps, en débarquant vingt ans après dans sa vie, il est peut être normal de constater la distance de Patricia…Au réveil sa première nuit passée chez son amie, elle se retrouve face à un homme Lionel. Elle ne sait pas qui est ce, ce qu’il représente et elle se posera pendant quelques jours quelle est la nature de leur rapport tellement elle semble étrange.

« J’étais prise entre l’envie de quitter sur le champ cette maison et rester. Maintenant que j’avais effectué le premier pas, n’était ce pas idiot de tout abandonner ? Et puis la phrase de Lionel « c’est bien que vous soyez là » résonnait dans ma tête. Apparemment, le savoir près d’elle la tranquillisait. »


Au croisement du bonheur et de la tristesse


Peu à peu, aidé de Lionel, Patricia va confier sa séroposivité à Irène. Le thème est fort, difficile, les larmes ne peuvent que couler sur les joues du lecteur. Nous comprenons pourquoi Patricia se refuse d’aimer Lionel mais nous découvrons également comment Irène va réellement permettre un changement de situation.

Les vacances se passent, Irène également est tombée amoureuse mais cela n’est pas si simple d’autant plus qu’uun quiproquo n’arrangera pas les choses…

« J’avais envie de déposer des petits baisers sur sa peau, d’attraper ses lèvres, de me blottir contre lui. J’avais besoin de sa force et de sa tendresse. Cependant, rien dans son comportement ne laissait supposer une quelconque attirance à mon encontre. Encore une fois, je chassais les idées stupides, d’ici quelques jours, je repartirai dans mon univers, loin de Camaret, loin de Jérôme. »

Irène a retrouvé son amie et elles ne se quitteront plus jusqu’à…

J’ai eu un énorme coup de cœur littéraire pour ce livre. Le premier pas est un livre poignant ne pouvant laisser indifférent le lecteur traversé par différentes émotions. Marie Laure BIGAND a une plume vibrante n’appartenant qu’aux grands auteurs.

Dictionnaire des injures littéraires Pierre CHALMIN

« IONESCO (Eugen Ionescu, dit Eugène) (1909-1994) écrivain et dramaturge franco-roumain Il ne dort que trois heures par nuit ; il lui faut se doper pour écrire ses pièces, sa famille l’épuise, car sa femme le gronde, et sa fille de 14 ans travaille mal au lycée. « Je lui ai fait sa dissertation l’autre jour. Sujet « le dialogue de l’eau et du feu ». J’ai eu 4 sur 20 avec l’appréciation « puéril ». » Matthieu GALEY, Journal, 8 février 1959 »
Une forme intéressante : un dictionnaire !!


On fait des dictionnaires pour tout ou rien mais un dictionnaire des injures littéraires, il fallait y penser et le faire avec intelligence car la tâche s’avérait difficile.

Comment choisir les bonnes entrées, comment tenter l’exhaustivité sans jamais pouvoir l’atteindre et donc être capable de ne retenir que les plus belles interventions…parmi les pires ? Le pari était osé et il est réussi.


Pour les amoureux de la littérature

Je n’ai pas découvert la littérature à travers ses injures mais je les vois chaque jour un peu plus que cela soit dans des médias offrant la parole aux auteurs reconnus ou à travers des supports comme facebook où littéraires et pseudos littéraires s’entretuent de temps en temps... Il est d’ailleurs intéressant d’observer une société se disant victime de son époque avec des propos qui resteraient gravés à jamais avec les nouvelles technologies…mais nous nous apercevons bien à travers ce dictionnaire que nous n’avons pas besoin d’Internet pour conserver tant d’informations…et notamment les petites phrases assassines.



Pierre CHALMIN nous propose ici un travail remarquable au service d’une idée littéraire intéressante. Je connaissais quelques anecdotes mais mes carences littéraires m’ont rattrapé…et j’en ai découvert d’autres, parfois drôles, intelligentes, graves ou bien tristes...L’esprit curieux que je suis me pousse alors à en savoir plus sur l’épisode ou l’auteur et ce dictionnaire se révèle alors pour moi comme un outil au service de l’éveil littéraire. Je tiens d’ailleurs à préciser que l’auteur nous entraine au delà de la littérature puisque nous retrouvons des grandes figures historiques comme Charles de Gaulle ou encore un peintre comme Picasso et bien d’autres encore parfois inattendues.



«Ingre (Jean Auguste Dominique)

(1780-1867) peintre français



J’ai vu l’exposition d’Ingres. Le ridicule, dans cette exhibition, domine à un grand degré ; c’est l’expression complète d’une incomplète intelligence ; l’effort et la prétention sont partout ; il ne s’y trouve pas une étincelle de nature.

Eugène DELACROIX, Journal, 15 mai 1855 »





Ce dictionnaire est un petit bijou m’accompagnant à chaque instant car la fameuse forme permets de relire ou de découvrir sans cesse les meilleures injures écrites par les grandes figures littéraires.

Idées noires sur fond blanc de Victoire LECOMTE

« Chaque fois que la lumière s’échappe pour laisser entrer les ombres de la nuit, que mon fils est endormi dans son lit, ils reviennent me hanter. Ils me prennent par les tripes, me rongent le cœur. Jamais je n’avais imaginé que la tristesse puisse faire aussi mal et encore moins qu’elle s’allierait à la douleur physique. Maintenant, je sais ce que c’est d’avoir le cœur serré dans un étau au point de croire qu’il va exploser. »
27 décembre 2007 date fatidique


27 décembre 2007, date de transition entre deux fêtes importantes où la présence de festivité et de magie s’empare des hommes. Mais pour certains, c’est aussi une période de tragédie et de drame à jamais inscrits dans la mémoire.

Camille ne pensait pas que cela allait lui arriver. Cette jeune femme qui comptait passer une simple journée tranquille avec l’ouverture des cadeaux de son fils et une visite à IKEA voit sa vie bouleversée par un coup de téléphone.


« - Que se passe-t-il ?

- C’est Bernard…

Une phrase,

Trois mots,

Trois points de suspension,

Trois petits tours et tu t’en vas… »


Ce n’est pas sur un fond blanc que débute ce roman avec le suicide de Bernard, l’homme de toute une vie pour Camille. Nous allons au fil du livre comprendre leur relation particulière et leur attachement conduisant à la profonde détresse affective de cette femme.


« L’ange gardien que j’ai été pendant plus de deux ans et demi peut froisser ses ailes. Je crois même que je vais les brûler. Ma mission a échoué. Ça m’apprendra à vouloir sauver quelqu’un contre son gré !"


Bernard et Camille : couple passionnel


La rencontre avec Bernard dans un bar est un pur moment de magie au croisement de l’émotion des mots et des gestes. Nous sommes entrainés dans un vrai moment de séduction où un couple fusionnel va se former avec tout ce que cela comporte de positif et de négatif…

La passion est telle qu’elle acceptera de le suivre immédiatement sans réellement savoir où tout cela va l'entrainer. Elle est sous son charme. Camille a trouvé l’homme de sa vie, de toute sa vie…mais cet homme ne présente pas que des qualités. Entre l’alcool, la drogue et la présence d’une autre femme, la relation semble bien complexe. Néanmoins, Camille aime et il en est ainsi. Il y a des choses qui ne se commandent pas, l’amour en fait partie.


Idées noires sur un nuage de culpabilité


Le passage cité volontairement dans la première partie de cette présentation insiste sur le fait que Camille se voyait comme l’ange gardien de Bernard. Cela explique la présence d’un autre personnage prenant une part importante et qui représente un réel fil conducteur : la culpabilité. Il est évident que les reproches fusent dans son esprit, les sommes de « si » posés dans ses pensées font qu’elle se remémore les instants où sa présence et ses gestes auraient dû être différents. Cette confession est une illustration d'une remise en question perpétuelle.


« Je ne le saurai jamais. Tous ces doutes me hantent. Culpabilité, tu es devenue ma meilleure ennemie, comme j’aimerais pouvoir te chasser de ma vie aussi facilement que tu y es entrée. »


Camille et les autres hommes


Avant la disparition de Bernard :

Camille ne se lasse pas réellement de sa relation avec Bernard, mais la présence d’une autre femme la pousse dans les bras d’un autre homme. Néanmoins, quand elle est dans les bras de l’autre, elle pense à lui…


« À partir de cet instant, j’ai décidé de mener ma vie amoureuse d’une autre façon. Je ne voulais plus passer mes journées à attendre que tu la quittes en gardant l’espoir d’un jour prendre sa place. Je savais que ça n’arriverait jamais.

J’ai rencontré quelqu’un. Tout le contraire de toi. Pour résumer : ennuyeux ! Mais il m’apportait un peu de stabilité, ce que je n’avais jamais eu avec toi. »



Après la disparition de Bernard


Camille va rencontrer Jérémy. Leur relation semble tourner autour de la relation amitié homme/femme, mais ce rapport est bien difficile et la frontière avec l’amour n’est jamais très loin. Néanmoins, Jérémy ne la juge pas, il est cultivé, mais ce n’est pas Bernard. Même si Camille tente de le séduire, cela ne sera pas une réussite et leur relation restera amicale.


«Il n’essaye pas comme les autres de me faire tourner la page. Il respecte mon deuil et mon chagrin. Je n’ai jamais pleuré devant lui. »

Camille rencontrera aussi Sébastien, mais cela ne sera pas une relation durable. Quelques années plus tard, elle rencontrera Antoine avec qui si même elle va passer quelques années elle ne revivra jamais ce qu’elle a vécu avec Bernard.

Fin du livre et fin…


Je ne peux vous dévoiler la fin du livre qui restera peut être surprenante ou choquante pour certains, mais elle me semble réaliste pour le lecteur assidu… J’ai juste l’envie de vous faire partager un passage qui ne se situe pas à la fin du livre, mais qui offre une belle opportunité pour la comprendre.

« Tu fais partie de ma vie, il n’y a pas un seul jour où je ne me lève sans. Surprenant, mais je peux encore écrire ce verbe au présent. Penser à toi, à ton absence. Une fois que j’aime que j’ai aimé c’est pour la vie. Il y a une place au fond de moi où tu demeuras pour toujours. Mais ce moment-là n’est pas encore arrivé, je ne peux pas encore conjuguer ce verbe au passé, tu fais toujours partie intégrante de ma vie. Tout mon être reste imprégné de toi. Je crois que l’on n’en a toujours pas fini ensemble, même si les liens terrestres n’existent plus. »


Une auteure, une plume, un talent !


Quand j’ai reçu ce manuscrit, je ne pensais pas que j’allais découvrir une telle plume qui allait me faire tant vibrer. Victoire Lecomte arrive à manier avec brio les retours dans le passé pour concilier son écriture au présent. Elle nous offre, avec goût, lucidité et assurance, de magnifiques citations variées en début de chaque chapitre. De Houellebecq à Baudelaire en passant par Hannah Arendt, ce livre est servi avec les épices nécessaires pour un moment de pure délectation où la dureté des mots et de l’histoire s’associent à la beauté littéraire. Une plume prometteuse et talentueuse à découvrir de toute urgence.

Intime evidence Eva LUNABA

« De cette liaison, leurs amis ne connaissent que l’essentiel, deux comètes qui se sont percutées un soir d’insomnie… sur l’autoroute du Net… en pleins phares, ils se sont reconnus… Astres aimants, ils n’ont même pas eu peur… à tâtons sur l’écran noir de leurs nuits blanches, ils se sont effeuillés… mots croisés… souffles en pointillé… soupirs interlignes… aveux codés… sous le regard complice de leur webcam. »
Une histoire internet pas comme les autres



Une rencontre se tisse sur la toile entre Hani (« un prénom polynésien signifiant « la femme caressée par le soleil ») et Lucas (« un prénom d’origine latine signifiant « lumière ».)

Si jamais aucune rencontre physique n’a lieu et n’aura lieu pour une raison que je ne dévoilerai pas mais qui n’est peut être pas celle que vous pensez, nous ressentons à travers ce court roman de profondes émotions entre les deux protagonistes. Ils iront jusqu’au mariage par internet. Je ne peux m’empêcher de partager ce passage avec vous.



« Ce soir, j’épouse la Femme de ma vie ! brame-t-il dans la rue sous le regard plaisantin des passants…

- Ce soir ? interroge Hani désarçonnée.

- Je ne veux pas attendre, ce soir, sur Internet, sur le site mariage.com je demande ta main !

- T’es sûr que tout va bien Lucas !

- Oui, je suis fou amoureux de toi !

?- Et tu me proposes de t’épouser sur Internet !

- Oui, je sais que cela peut te paraître démentiel, mais c’est le symbole le plus fort que j’ai trouvé pour te dire à quel point tu me rends heureux, combien je tiens à toi et que jamais je n’ai aimé ainsi… jamais ma douce…

- Sur Intern..net ! bégaie-t-elle

- Oui, au berceau de notre rencontre, là où tout a commencé…

- Lucas… je… t’aime, murmure-t-elle émue.

- Je t’aime à en hurler Hani… si je te perdais…. J’en crèverais.

- Si tu me quittais…. j’en mourrais... Lucas. »



Ils partagent réellement tout par internet : les émotions, les petites attentions ou encore la sexualité.


Une musicalité impressionnante



Ce roman se lit sans aucun arrêt possible car nous sommes littéralement bercés par les mots. Eva Lunaba a un style remarquablement étonnant puisque nous sommes entrainés tout au long de ce roman dans une magnifique chanson (quelques titres connus se glissent dans le texte) offrant un rythme endiablé à chaque valse des mots. Les dialogues sont réussis permettant de donner une sonorité à chaque passage et le découpage du roman en neuf parties est réalisé avec brio par une main de maître.



Les cinq sens sont omniprésents dans ce livre où une magnifique histoire d’amour est décrite. Le pari était difficile mais il est réussi : montrer comment une relation purement virtuelle peut bouleverser, transformer des individus et entrainer une passion démentielle parfois plus intense qu’une rencontre réelle.



« Se dire alors que l’on est plus fort qu’elle, que cette relation virtuelle est de celle qui les tire au ciel… Entre eux des aveux qui se glissent… l’envie qui les mord dans le cou… les papillons qui virevoltent dans leurs ventres noués dès la moindre seconde sans eux…

On se surprend à ne vivre que pour ces moments que l’on épie, guette et aspire comme une drogue par la veine palpitante. »

Odette toulemonde de Eric Emmanuel SCHMITT

« Par vos livres, vous montrez que, dans toute vie, même la plus méprisable, il y a de quoi se réjouir, de quoi rire, de quoi aimer. Vous montrez que les petits personnages comme moi ont en réalité beaucoup de mérite parce que la moindre chose leur coute plus qu’aux autres. Grâce à vos livres, j’ai appris à me respecter. A m’aimer un peu. A devenir l’Odette Toulemonde qu’on connait aujourd’hui : une femme qui ouvre ses volets avec plaisir chaque matin et qui les ferme chaque soir aussi avec plaisir. » Voici, un extrait de la lettre d’Odette Toulemonde à son écrivain favori…

En parcourant ce livre, j’ai connu exactement la même sensation qu’Odette Toulemonde, un des personnages d’une des huit nouvelles de ce livre, un pur moment de plaisir. Un recueil de nouvelles à lire pour un grand moment de bonheur !!


Tour d’horizon des huit nouvelles


Ce livre se présente sous la forme de petites nouvelles où nous pouvons constater un effet de surprise et d’émerveillement constamment présent. Si nous devinons certaines scènes (ou le croyons…), d’autres histoires sont loin d’être prévisibles. Parfois surprenantes, tantôt réalistes, nous sommes plongés dans l’univers exceptionnel imaginé par l’auteur.


La première nouvelle, « Wanda Winniperg », raconte l’excentricité de la vie d’une milliardaire qui par une rencontre inattendue va se replonger dans son enfance pauvre.

La seconde, « C’est un beau jour de pluie », est une histoire d’amour entre une femme éternellement insatisfaite et un mari prenant toujours la vie sous son bon aspect. La rencontre, puis le décès de cet homme métamorphoseront-ils cette femme ?

La troisième, « l’intruse », est une histoire marquante, elle est teintée d’un mystère omniprésent, seule la fin offrira une surprise de taille au lecteur. Une femme voit sans cesse une personne dans son appartement sans qu’elle puisse l’interpeller, cette dernière prend un malin plaisir à changer la place des objets…

La quatrième, « le faux » est une belle histoire entre un amant délaissant sa maitresse pour revenir avec son épouse. Mais l’histoire centrale sera un cadeau de l’amant, un tableau de Picasso qui relèvera des surprises jusqu’au bout !

La cinquième, « tout pour être heureux » est le bouleversement de la vie d’une femme en se rendant chez un nouveau coiffeur…

La sixième, la princesse aux pieds nus est une belle histoire d’amour entre un comédien et une princesse un peu spéciale.

La septième, Odette toulemonde a donné une partie du titre à ce recueil de textes. Un écrivain à succès se retrouve attaqué par un polémiste. Ce n’est pas la première fois mais cette fois ci, c’est le coup de trop : il n’arrive pas à s’en remette. Heureusement qu’une lettre, d’Odette Toulemonde, une admiratrice inconditionnelle va changer sa vie !

La huitième et dernière histoire, même si elle peut paraître un peu plus difficile d’accès, est surtout à ne pas manquer car c’est une merveilleuse histoire se déroulant en plein cœur des goulags russes sous Staline.


Des nouvelles riches et exceptionnelles !!


Comme nous pouvons le percevoir dans les petits résumés qui sont loin de tendre vers l’exhaustivité, nous observons un grand mystère autour de multiples personnages à visages différents. Pauvres, riches, curieux, étranges, Eric Emmanuel Schmitt les rend attachants à travers les petites nouvelles proposées. Leur lecture est un réel moment de bonheur faisant réfléchir également à la condition humaine à travers ces différents portraits.

Le sumo qui ne pouvait pas grossir Eric Emmanuel SCHMITT

« Tu penses trop car tu interposes de la pensée entre le monde et toi, tu bavardes plutôt que tu n’observes ; tu projettes des idées préconçues davantage que tu ne saisis les phénomènes. Au lieu de regarder la réalité telle qu’elle se présente, tu la vois à travers les lunettes teintées que tu poses sur le nez » Cette phrase illustre les grandes leçons données par le grand maître Shomintsu à son nouvel élève Juan.
Un livre pas épais mais très riche !


Jun est un enfant de 15 ans qui tente de survivre en vendant différents objets dans les rues japonaises. Il vit seul, sa mère lui envoie des lettres de temps en temps qu’il reçoit devant une boite aux lettres où il a déposé son nom sans y habiter…puisqu’il n’a pas de toit. Sa mère est analphabète mais elle lui envoie des signes qu’il comprend. Une forme de langage existe entre eux malgré qu’il soit parti de la maison depuis quelques années.


Shomintsu, drôle de personnage répète à Jun depuis quelque jours « je vois un gros en toi » mais ce dernier ne comprend pas comment il peut voir dans ce corps rachitique un gros en lui. Cela lui parait bien surréaliste. Si Jun ne répondit pas la première fois, il finit par s’énerver devant l’insistance de Shomintsu. Ce dernier finit par lui donner de l’argent et surtout une place pour assister à un combat de sumo.

Jun ne s’intéresse pas du tout à ce sport national. Il continue sa route mais des aventures avec la police vont le conduire à un tel désespoir qu’il va se retrouver devant ce spectacle. Passé quelques minutes, il va se retrouver en admiration face à un sumo.

Il rentre à l’école de Shominstsu qui est la plus réputée pour apprendre à devenir un sumo. A travers le combat et la compétition, il va apprendre d’autres valeurs beaucoup plus importantes qui vont le conduire dans une autre vie grâce notamment au bouddhisme zen.


Même si le début est difficile, il va mieux s’en sortir grâce à sa dure expérience de la rue…mais il n’est pas au bout du chemin pour devenir un sumo de qualité. Il va devoir apprendre beaucoup pour comprendre toute la philosophie de ce sport, devenir gros dans un premier temps n’est pas chose aisée mais il va devoir également apprendre à gagner…mais cela ne sera pas l’essentiel…


Si nous retrouvons de la spiritualité tout au long de ce livre, nous ne pouvons pas ignorer également la passion amoureuse de Jun pour la soeur d'un excellent sumo...mais cette dernière même si elle survole le livre ne sera dominante. En effet, Jun apprendra que sa rencontre avec Shomintsu n'était pas que le fruit du hasard.

Beauté de la rencontre des personnages qui se retrouvent grandis au contact des autres, Eric Emmanuel Schmitt nous dévoile une histoire originale et passionnante.

Antimanuel d'économie de Bernard MARIS

« Ainsi donc l’auteur de ces essais, malgré tous ses coassements continue d’espérer et de croire que le jour n’est pas éloigné où le Problème Economique sera refoulé à la place qui lui revient : l’arrière plan ». Dès l’ouverture de ce livre, nous retrouvons cette magnifique phrase de John Maynard Keynes extrait de Essays in Persuasion.

Le ton est donné dès le départ avec Bernard Maris qui par sa plume simple et drôle nous dévoile les clés pour comprendre l’économie. Dès le sommaire, nous savons que nous n’allons pas aborder ce livre d’économie comme un autre. Les quatre parties portent toutes des noms évocateurs.


La première, « principes de scolastique économique » malgré un nom qui fait peur est une partie très abordable, l’auteur s’interroge sur la scientificité de l’économie et son lien avec la politique.

La seconde porte bien son nom puisque nous connaissons tous cette fameuse « guerre économique ». La dure loi du marché, la mondialisation, autant de thèmes abordés par l’auteur qui sont aujourd’hui au coeur de l’actualité.

« Le nerf de la guerre », sous la dénomination de cette troisième partie, l’auteur évoque l’argent et le problème du financement de l’économie avec les marchés financiers.

La quatrième partie est au service du partage de ce fameux « butin ».

Elles s’articulent toujours de la même façon avec dans un premier temps la réflexion de l’auteur et des textes d’illustration.

De plus, l’auteur ne s’arrête pas pour comprendre l’économie aux économistes. Ainsi, des textes d’Orwell ou Houellebecq peuvent cohabiter avec des textes de l’économiste Adam Smith du 18ème siècle. Les mots ne vous suffisent pas, alors il suffit d’observer un tableau de Magritte la condition humaine ou encore l’acrobate de Picasso pour comprendre les clés de l’économie. Le lecteur grâce à ce livre dispose de toutes les cartes en mains pour comprendre l’économie avec un réel effort de vulgarisation. Les mécanismes sont très clairement exposés.


Le génie de Maris est de mélanger les styles pour nous faire comprendre son idée : l’économie n’est pas rationnelle et le grand gâteau que représente la richesse économique semble bien difficile à répartir entre les différents acteurs…

Il explique ainsi la création monétaire. Ce mécanisme qui représente la bête noire de nombreux élèves est expliqué avec simplicité et lucidité dans ce texte sans s’arrêter à une vision purement scolaire. Son analyse de la bourse avec la fameuse métaphore de Keynes la comparant à un « concours de beauté » représente une étude intéressante de nos jours où les marchés financiers représentent si souvent l’illusion…


Par ce climat économique difficile que nous traversons actuellement, ce livre est une invitation à faire comme Spinoza devant le réel à « ne pas railler, ne pas pleurer, ne pas détester, il faut comprendre ». Si vous souhaitez comprendre les mécanismes économiques d’une façon ludique avec une pléthore de citations, ce livre est fait pour vous.

Peinture, histoire, sociologie, philosophie, littérature : qui a dit que l’économie se résumait à des équations ?
Rapport Qualité / Prix :
Le rapport qualité/prix est excellent vu le contenu et toutes les sources fournies. Je suis passionné d’économie depuis de nombreuses années et je suis professeur particulier en économie, je recommande à mes élèves d’en faire l’acquisition ou de l’emprunter si cela est possible car c’est un ouvrage offrant l’opportunité pour des non initiés de découvrir, d’apprendre et de comprendre énormément de choses. Il n’est pas seulement un outil au service de l’économie puisqu’il apporte des éléments de culture générale importants.
Public Concerné :
Ce livre s’adresse tant à des profanes en économie qu’à des spécialistes ou passionnés. Un ouvrage de vulgarisation destiné à tous ceux qui veulent tenter de comprendre le monde dans lequel on vit.

mardi 21 septembre 2010

Entretien avec Marie BARRILLON à l'occasion de la sortie de son recueil de poésie les rimes de l'amour

Marie BARRILLON est chroniqueuse pour 1001 livres et auteure de trois romans déjà publiés aux éditions Le manuscrit (La vie suspendue, Leçons de vie, Emilie entre fabulations et vérités). Femme généreuse avec un talent littéraire certain, elle a accepté de se prêter au jeu des questions réponses à l’occasion de la sortie de son premier recueil de poésies, Les rimes de l’amour.






1.Dès le titre, l’amour est présent. Dans notre société contemporaine où d’autres valeurs semblent prendre le dessus, comment définis-tu l’amour ?


L’amour est à mon sens quelque chose d’indéfinissable. Chacun en a sa propre définition, sa perception personnelle. J’ai appris, avec les années, qu’en amour rien n’est vraiment jamais acquis. Il peut être tellement éphémère parfois, et même souvent.




L’amour est cependant vital dans la vie de chacun. Lorsque l’on aime et que l’on se sent aimé en retour, on se sent forcément plus fort, plus solide. Les situations, même les plus difficiles, paraissent plus simples, plus abordables, plus gérables. On n’est plus seul face à l’adversité de la vie qui ne nous fait pas toujours que des cadeaux.




L’amour est également un moteur qui nous permet d’avancer à grandes enjambées malgré les embûches, alors que sans lui, nous ne ferions que des petits pas.







2.Le thème du temps est omniprésent dans ce recueil. Y a-t-il une journée type Marie BARRILLON avec des rituels pour écrire ? As-tu une technique de gestion du temps et que places-tu prioritaire aujourd’hui ?


Généralement non, il n’y a pas de journée type Marie BARRILLON. Cependant, mes journées commencent souvent avec la lecture pendant environ une petite heure lorsque je prends mon café. Donc, dès le réveil, je suis dans le bain. Ensuite, les choses se déroulent suivant l’envie, l’inspiration, l’humeur aussi ou encore l’état d’esprit. Puis, très souvent, je m’accorde également trente à soixante minutes de lecture avant de me coucher. Mais, dans tous les cas, aucune journée ne ressemble à la précédente.




Je pense que c’est cela aussi qui permet à la passion de perdurer, en laissant le champ libre à l’inspiration pour s’exprimer à son gré. Parce que s’il y a bien une chose que l’on ne peut pas forcer, c’est bien l’inspiration. C’est d’ailleurs sûrement pour cela que je n’ai jamais ressenti l’angoisse de la page blanche.

Qui plus est, j’ai toujours plusieurs projets en cours, ce qui permet la diversité, ainsi j’avance toujours dans l’écriture et l’inspiration est toujours présente.

Donc, rien n’est vraiment prioritaire, sinon l’écriture en général.







3.Les rimes de l’amour est ton premier recueil de poésies. Comment as-tu commencé à écrire de la poésie ?


Comment j’ai commencé à écrire des poèmes, je ne saurais le dire. En fait, j’ai commencé à écrire à l’âge de quinze ans et d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours écris des poèmes. Je pense que tous les auteurs connus ou inconnus se sont essayés à la poésie à un moment ou un autre. J’aime les phrases bien faites, les rimes qui s’accordent. Je trouve cela tellement joli et agréable à lire. Ca donne envie de poursuivre la lecture et de tourner les pages encore et encore. Et j’ajouterais même que parfois, lors de la lecture de poésies, cela apporte, ou une inspiration inattendue ou une envie soudaine de rédiger quelques rimes.




4.As-tu des maîtres en matière de poésie ?


Je n’ai pas vraiment de maître que ce soit en matière de poésie ou en littérature en général. Je n’ai pas de rejet non plus concernant les auteurs. Il m’est arrivé de ne pas aimer un ouvrage d’un auteur mais de me pencher tout de même sur les suivants car si l’un me déplait, les autres peuvent tout à fait me satisfaire. Rien n’est vraiment immuable.




Je me souviens que lorsque ma fille aînée était adolescente, elle m’avait offert un livre de Verlaine et un autre d’Apollinaire avec son argent de poche, je les ai toujours conservé pourtant je ne les ai pas relus depuis toutes ses années. En définitive, non, je n’ai pas d’auteur vraiment fétiche.




5.La première de couverture est magnifique et je sais qu’elle représente beaucoup pour toi. Pourquoi ce choix pour ce recueil de poésies ?


Par cette première de couverture, j’ai souhaité faire un hommage à ma grand-mère maternelle, avec l’accord de la personne qui me semblait la mieux placée pour cela, ma mère. Cette photo qui représente ma grand-mère date de 1930. C’est la personne qui m’a le plus marquée et qui de ce fait était la plus importante dans ma vie. A mon sens et dans tous les souvenirs qui m’habitent continuellement, elle avait un sens inné de l’amour.




D’ailleurs, elle disait que je portais le plus beau prénom du monde, et cela n’était pas en rapport à la Vierge Marie, bien qu’elle était croyante mais simplement disait-elle, Marie n’est autre que l’anagramme du verbe aimer. Je sais que je le dis souvent mais je suis certainement assez fière de ce souvenir, probablement parce que je n’aurais peut-être jamais fait la corrélation entre ces deux faits de moi-même. Et même si elle n’est plus là depuis quelques années déjà, je la porte encore dans mon cœur aussi fraîchement et rien au monde ne pourra changer cela. Elle m’a appris tant de choses.




Pour moi, cet hommage était non seulement aussi important qu’évident mais également indispensable. D’ailleurs, chaque recueil de poésies que je rédigerais à l’avenir portera cette marque, cet hommage. Je lui dois beaucoup, en l’occurrence psychologiquement et moralement, même depuis son absence. Nous étions, si je peux dire, fusionnelles. Je ne cesserais jamais de l’aimer avec autant de force comme si elle était encore là. Je souhaite à tout le monde d’avoir une personne aussi importante au moins une fois dans sa vie.




6.Les rimes de l’amour, ton dernier livre est plus qu’un recueil de poèmes. On a l’impression de traverser ta vie au cours de tes poèmes mais quelle est ta vision de l’écriture ?


A son commencement, l’écriture était pour moi une sorte d’exutoire. Un baume aux maux de la vie, de l’enfance à l’adolescence puis à la vie d’adulte. Elle me permettait, outre la lecture, de m’évader. Comme je l’ai dit, j’avais quinze ans à l’époque de mes premiers pas dans l’écriture et mes jours étaient loin d’être joyeux, comme beaucoup d’enfants. J’ai trouvé en l’écriture, le moyen de m’exiler dans un ailleurs inaccessible à autrui, une forme de protection peut-être. Cette passion m’a suivie, fidèle dans les bons moments mais surtout, et c’est là qu’elle jouait son rôle de sauveteur, dans les mauvais.

Il s’est passé beaucoup de temps avant que le désir d’être éditée naisse à son tour, à peu près une vingtaine d’années. Il a fallut un gros coup dur pour que ce désir apparaisse, comme un besoin inexplicable, avec "La vie suspendue". Ce livre est assez court mais d’une immense souffrance, je n’avais nulle envie d’en rajouter, et je dis toujours que je l’ai écrit dans l’urgence. C’est grâce à lui que je n’ai pas coulé à ce moment.




J’ai souhaité le publier comme pour témoigner de cette douleur et que même si l’amour n’est pas toujours plus fort que la maladie, il faut se battre avec lui (l’amour) contre elle (la maladie). Vingt ans et un gros coup de bâton de la vie pour arriver au désir d’être publiée, cela paraît long quand on le dit comme ça, mais en réalité le temps passe tellement vite… Peut-être que l’omniprésence du temps vient de là, allons savoir !




Toujours est-il que depuis mon adolescence je n’ai jamais cessé d’écrire, comme un besoin indispensable et viscéral, éditée ou pas d’ailleurs. Je pense que cela fait partie intégrante de mon équilibre au même titre que boire ou manger, c’est aussi vital. J’aime inventer des histoires, créer des vies et faire vibrer les lecteurs. Mes histoires, je les vis complètement comme un film dans ma tête. Peut-être est-ce un peu vivre dans deux mondes parallèles, indispensables l’un à l’autre : le réel et l’imaginaire.




7.Tu es une pile électrique du net, toujours en train de créer des projets autour de la littérature. Peux-tu nous parler un peu plus (groupe facebook, forum, page fan, site internet,…) des projets actuels et nous évoquer tes projets futurs autour de la littérature ?


Internet, c’est un peu aussi un monde parallèle à bien y regarder. Virtuel certes mais pas moins humain pour autant, et j’irais même à dire plus humain que le monde réel. J’aime l’échange et le partage. Derrière chaque commentaire, il y a toujours un cœur qui bât, et ce qui m’attriste c’est que ces échanges de cœur ne se retrouvent pratiquement que sur le net, jamais chez le boulanger ou au supermarché, par exemple, ou alors si rarement.

A travers les forums, groupes ou même ma page fan sur Facebook, je croise des personnes que je n’aurais jamais imaginé croiser, ne serait-ce qu’à cause de la distance. Ces différents groupes ou forums rapprochent les gens et font tomber la barrière des dites distances, ils donnent plus de facilité d’échanges entre les êtres sur des sujets communs, de là naissent des amitiés, de vraies amitiés que les distances n’incommodent pas. Et ces rencontres virtuelles aboutissent parfois à des rencontres réelles. Personnellement, je n’ai jamais été déçue. J’ai rencontré des gens d’exception, véritablement.




En ce qui concerne les projets par rapport aux forums et groupes, je suis pour l’instant un peu moins présente car, comme pour beaucoup de gens, le temps me manque. Ma devise est d’ailleurs, "Mes jours manquent d’heures, pour en faire plus". Mais, bien évidemment cela ne veut pas dire que je les abandonne, bien au contraire. Et pour ma page fan, je pense avoir trouvé là une option intéressante pour les lecteurs, car sur cette page je n’y parle que de mes projets, mes lectures, mes chroniques, mes publications…enfin, tout ce que les lecteurs veulent savoir sur mes activités littéraires. Ils sont informés en temps réel et par la personne la mieux placée pour transmettre les informations et en parler : moi. Contrairement à ce que certains ont pu imaginer. J’ai reçu, il y a peu, un mail déplorant le fait qu’une personne tenait ma page à ma place, alors que les lecteurs se rassurent, il n’en est absolument rien. Je ne laisserais à personne ce soin de tenir ma page fan, j’aime les échanges avec mes lecteurs.




8.Un prochain livre va bientôt paraître, Camille, regarde devant toi ! Peux-tu nous en parler ?


"Camille, regarde devant toi !" aurait dû être publié durant l’été mais les choses ne se déroulent pas toujours comme on le souhaite, c’est comme ça. Pourtant, l’éditeur en question se disait très emballé par ce roman… Bien évidemment, cela m’a fait perdre un temps précieux. Le monde de l’édition est parfois tellement incompréhensible, mais sans autre choix nous devons bien faire avec à défaut de faire sans. Donc, "Camille…" verra le jour début décembre, sauf énième déception. Ça m’a permis de le revoir et d’y apporter quelques corrections durant la période estivale. Le sujet reste donc à découvrir pour les lecteurs. Mais, ce que je peux leur dire c’est que comme toujours, il commence mal pour se terminer très bien, car c’est du rêve, de l’émotion et du plaisir que je souhaite leur faire vivre au travers de mes pages, alors ça ne peut que finir bien.




9.As-tu d’autres projets d’écriture en cours ?


D’autres projets, bien évidemment je n’en manque jamais et ils sont très nombreux. Vous pourrez me lire encore pas mal de temps (sourire). En ce moment, je suis sur l’écriture d’un prochain roman qui s’intitulera "La vie est parfois une surprise". Encore quelques mois de gestation comme on dit, et il sera prêt. En parallèle, je suis sur la réalisation d’un autre recueil de poésies qui devrait sortir début 2011. Celui-ci sera moins axé sur l’amour comme le premier, mais sans pour autant passer à côté. J’y touche plusieurs sujets de société du bout des doigts, mais en tout cas des sujets sensibles. Il est très différent du précédente de bout en bout, y compris dans sa présentation. Peut-être même est-il meilleur à mon goût, mais ce n’est que mon avis.




Trois autres projets de roman sont en attente dont les grandes lignes sont déjà rédigées. Et puis, il y a les ateliers d’écriture pour les personnes âgées au sein des maisons de retraite. Là aussi, le but final serait la publication de recueils de leurs écrits avec reversement des droits d’auteur aux maisons de retraite concernées ou à des associations d’aides aux personnes âgées. Mais, nous n’y sommes pas encore et tout reste à définir. Nous verrons cela par la suite. Je pense très sincèrement que nos personnes âgées ont tant de choses à raconter, à nous faire partager, mais également à nous apprendre. Elles ont aussi traversées tant d’épreuves pas toujours faciles ou évidentes mais leur passé est à découvrir avec leur propre mots et pourquoi pas même pourrions nous en tirer des leçons et en tout cas beaucoup de plaisir, j’en suis intimement persuadée.




Lorsque je discute avec ces personnes tellement adorables, j’en retiens toujours une même et profonde évidence, c’est la tristesse qu’elles ont en regardant ce monde qu’elles ne reconnaissent plus, parce qu’il est tellement différent de celui dans lequel elles ont évolué. Toutes ces valeurs perdues, ça leur fait froid dans le dos. Alors, elles regardent ce monde et se résignent à tenter de le comprendre, mais n’y parviennent pas. Les personnes âgées, c’est ma troisième passion (sourire).




10.Quel regard portes-tu sur le monde de l’édition et celui de la littérature contemporaine ?


Ça, c’est la question brûlante. Il y en toujours une dans le jeu des questions/Réponses, les interviews… Là, je sens que je ne vais pas me faire que des amis.

Je trouve que le monde de l’édition dit "traditionnel" est devenu très frileux. Il n’y a plus de prise de risque ou alors très minime. De nos jours, si nous n’avons pas un nom déjà connu ou un sujet hyper brûlant, ce milieu reste très très fermé. On publie trop sur des valeurs que l’on sait acquises dès le départ, ça va d’un nom qui fera vendre, certes mais pas seulement. Il y a également les effets de copinage, etc. Les exemples ne manquent pas, il suffit de regarder autour de soi. Que l’ouvrage soit bon ou non, n’a finalement plus grande importance. C’est dommage car il existe beaucoup d’auteurs, et de très bons qui n’ont d’autres choix que de se tourner vers la petite édition ou encore l’édition à la demande. Et heureusement que celles-ci sont présentes.




Par exemple, oui je sais que je vais faire grincer quelques dents, mais j’assume, prenons Edilivre, pour ne citer que celle-ci, c’est à mon sens un très bon parallèle ou un palliatif, c’est selon, à l’édition traditionnelle frileuse. Cette maison fait pas mal d’efforts et monte de plus en plus dans "l’audimat" de l’ensemble des maisons d’éditions, traditionnelles ou non. Ce n’est que mérite car cela permet à beaucoup d’auteurs de sortir la tête du sable, même s’ils bataillent ferme pour se faire connaître. Et même si cela reste une édition à la demande, ce qui évite les stocks, ce n’est pas une édition à compte d’auteur non plus.




Donc, c’est tout à fait bénéfique pour les auteurs qui souhaitent être publiés. De plus, c’est une maison assez réactive tant sur l’évaluation des projets qui leur sont soumis que par la publication mais également en matière de livraison des ouvrages où là encore la rapidité est de mise. Ce ne sont que quelques exemples, mais il y en a d’autres, bien sûr.




En dehors de ces maisons d’éditions à la demande et les maisons traditionnelles, il y a la petite édition. C’est une bonne chose, bien qu’il faille ici être quand même assez vigilant car certaines de ces maisons font tout de même du compte d’auteur.

Donc, en définitive, je dirais que le milieu de l’édition est assez complexe pour quelqu’un qui y fait ses premiers pas. C’est un peu une jungle, pas toujours très civilisée.



Un entretien à découvrir également en suivant ce lien:
http://www.1001-livres.fr/membre/profil/clement%20chatain/actualite-69

AddInto

Salwa, une voix talentueuse et des textes de qualité!

Un petit article rédigé à l'occasion de la sortie du prochain single de Salwa:

http://www.facebook.com/home.php?#!/note.php?note_id=115668701824095&id=152759844744346&ref=mf

samedi 11 septembre 2010

A la folle jeunesse Ann SCOTT

« Un glaçon avait giclé du verre. Il avait atterri sur le haut d’une enceinte à côté de moi, une enceinte recouverte de confettis d’argent qui se reflétaient dans ses arrêtes, et malgré la moiteur de l’endroit bondé, il trônait la intact, cristallin. Pas même l’amorce d’une infime petite flaque. Rien qui laissait présager du début à la fin, et c’était comme çà que ma vie m’apparaissait à quelques jours de mon quinzième anniversaire. Intacte, même quand certains points de non-retour semblaient déjà avoir été franchis. Sauf que la semaine prochaine, je n’aurai pas quinze ans. Ce glaçon à maintenant fondu depuis vingt cinq ans, et avec lui ont disparu l’insolence et la fièvre pour céder la place à la peur. »


Le style ANN SCOTT : Un style !
Si j’ai choisi de commencer ma chronique par une longue citation, c’est parce que cette comparaison placée au début du livre m’a littéralement séduit. Je ne pouvais que continuer la lecture de ce livre car de nombreuses pages comportent une phrase stylée se glissant sans aucun échec quelque soit la tonalité voulue par l’auteure suivant les étapes décrites.
J’admets que parfois j’ai éprouvé quelques difficultés à suivre l’auteure. C’est peut être d’ailleurs un souhait de cette dernière que le lecteur finisse par se perdre comme elle-même s’est perdue par moment réellement dans son histoire comme elle nous l’explique.
Malgré quelques passages difficiles, je n’ai pu que continuer ma lecture car je souhaitais toujours connaitre l’effet de style suivant et je n’ai pas été déçu car ce livre recèle de nombreux effets réussis.

Une histoire
Est-ce une autobiographie qui nous est proposée ici ? On reconnait bien l’auteure de Superstars qui décrit d’ailleurs son immersion dans le milieu littéraire avec brio. Ann SCOTT revient sur cette période particulière avec les interviews et le rythme suivi par cette dernière lors de la sortie de ce succès.
« Si je n’avais pas trébuché sur un arrosoir, dans la cour, je n’aurais peut être jamais parlé à ma voisine Stella. Je ne lui aurais pas offert mon premier roman et elle n’aurait pas eu cette phrase déterminante, le lendemain : « je n’ai aucune complaisance pour les gens qui ont du talent et qui n’en font rien. »
Ses rapports avec les autres que cela soit avec sa famille ou ses amies sont également décrits dans ce livre. Nous découvrons des phrases poignantes fortes en émotions :
« Lorsqu’on a un père orphelin et une mère qui a perdu la sienne à la naissance, j’imagine qu’on ne peut pas leur en vouloir de ne pas avoir su donner ce qu’ils n’ont pas reçu. »

En réalité, dans ce livre, une femme de quarante ans porte un regard sur sa vie en regardant derrière elle pour tenter de trouver des réponses.
« Je suis restée à regarder le portable dans ma main. Stella quittait Paris, ma belle mère aimait Joan JETT, mon père portait des chemises de nui, mon frère avait déjà dix huit ans et Marie adoptait un enfant »

Apocalypse bébé de Virginie DESPENTES

« Je prendrais les frais en charge. Nous ferons un avenant au contrat original. J’offre une prime de cinq mille euros si vous la ramenez en quinze jours. En contrepartie, si vous n’obtenez aucun résultat, je vous ferai vivre l’enfer sur terre. Nous avons des relations et j’imagine qu’une agence comme la vôtre n’a aucune envie de subir toute une série de contrôles…désagréables. Sans parler de la mauvaise publicité. » Nous sommes au début du livre et déjà quelques thèmes apparaissent : argent, relation, enquête mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin…

Une histoire simple
Lucie détective spécialisée dans la surveillance de mineurs fait ce boulot depuis une dizaine d’années sans réellement s’y intéresser. Elle gagne sa vie correctement mais sans augmentation de salaire et la crise de la trentaine aidant, elle réfléchit souvent à sa condition humaine. Au cours d’une filature, elle va perdre la trace de Valentine. Valentine, adolescente de son époque, avec un père écrivain, une grand-mère envahissante et une belle mère qu’elle n’apprécie pas beaucoup, va entraîner Lucie dans une sorte de nouvelle vie. En effet, peu habituée à traiter des affaires de fugue et elle-même détective par défaut et sans grand intéressement à son métier, elle va faire appel à la Hyène, femme d’expérience et de réseau qui va lui faire découvrir un autre visage de la société. Elles vont de Paris à Barcelone partir à la recherche de cette adolescente.
« Depuis que je travaille ici, j’enrage d’être cantonnée à la surveillance des adolescents. Aucun gamin ne peut fumer un joint tranquille sans que je lui colle personnellement au cul. »


Une société en sursis
Virginie Despentes nous décrit une société en sursis. Derrière chaque mot, chaque passage, nous ne ressentons qu’une profonde tristesse que nous percevons dans le regard d’une femme sans concession. Les lesbiennes, les catholiques, les femmes avides d’argent, les hommes de pouvoir ou qui pensent en avoir, le milieu de la littérature et celui des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, les catholiques, les musulmans, les adolescents, l’extrême gauche, le milieu médical…chacun en prendra pour son compte. Nous sentons une grande tristesse de notre société contemporaine et la fin ne sera qu’une illustration du titre de ce livre.

« Il avait honte rétrospectivement, de ne pas avoir anticipé ce que deviendrait le livre, une industrie un peu plus bête qu’une autre. Vieille rombière outragée, minaudant dans des robes en lambeaux. Ardisson Canal+Inrocks,. Des ennemis dont on n’avait pas saisi le pouvoir de nuisance. Ni de droite, ni de gauche. Ni classiques, ni modernes. Des gens de télé. Bien de leur époque. Des pitcheurs, avides de chair fraîche, gourmands d’audience»


Un style et un point de vue en suspens
Le style Virginie Despentes ? Je n’ai pas lu son célèbre Baise moi qui avait fait sensation il y a quelques années et je commence ainsi mon premier Despentes avec ce livre. Un style auquel je m’attendais au fond. Aucune surprise et je pense que les habitués de l’auteure ne seront pas très étonnés également. Le style de l’ouvrage correspond à celui de l’auteure que l’on voit sur les plateaux télévisés. Même si cela serait bien réducteur de limiter l’auteure à son livre et vice versa…

Les mots sont parfois crus et des phrases assassines parcourent le livre. Les descriptions nous permettent de bien rentrer dans la peau des personnages mais parfois nous nous retrouvons dans de nombreuses longueurs où le lecteur peu attentif risque de se perdre. Pourtant, c’est bien dans ses nombreuses descriptions que le style DESPENTES éclate avec un attachement particulier à s’attarder sur la vision horrible de la société dans laquelle nous vivons.
Au sujet des français en vacances en Russie, Roumanie ou Thaïlande « Les français ont besoin de voir des pauvres qui ne les insultent pas. Ils savent qu’ils montent dans un bus blindé pour s’extasier sur les conditions de vie des pauvres dans leurs banlieues, ils vont se faire brûler le bus. Cà les met dans la détresse : toute cette pauvreté sur laquelle ils pourraient s’attendrir, lâcher une petite pièce et donner leurs vieilles fringues. Mais ces pauvres là sont méchants. Ca complique les choses, pour la charité chrétienne. »

Je ne peux pas terminer cette chronique sur un site regroupant des passionnés de littérature sans cette citation… « Fréquenter les artistes, elle s’en passe volontiers. Les sportifs, les politiques, çà peut l’impressionner. Mais artiste…toujours une imposture. En tête de sa liste du pire, sans hésitation, elle placerait les écrivains. Elle connait, elle a donné. Ce qui est offert d’une main aimable est reprise au centuple de l’autre, la main rapace, fouilleuse et sans scrupules. La main qui écrit, celle qui trahit, épingle et crucifie. »

Mon guide de la défume comment j'ai dit Adieu au tabac de Martine PAGES

« Parce que je dis que les films sont moins beaux depuis que je ne fume plus, que le ciel bleu l’est moins, que mon mec n’a plus la voix aussi tendre, que les musiques que j’écoute ont l’air d’être moins mélodieuses, bref que la terre entière n’a plus le doux parfum du bonheur depuis que les oiseaux ne chantent plus à ma fenêtre et que mes fleurs sont éteintes, elles aussi. Moi, je pensais que c’était une jolie formule poétique pour dire combien le retour du tabac dans ma vie serait une richesse. »

Je ne suis pas fumeur. Certes, Je suis drogué à plusieurs choses mais pas à la cigarette. Je pense que mes addictions m’ont permis de comprendre le long combat de Martine Pagès dans sa volonté d’arrêter de fumer. Au-delà d’un livre témoignage, une femme nous dévoile sa vie à travers différentes facettes. Cette chronique se structure autour de plusieurs visions reprises par l’auteure elle-même à la fin de son livre.

« …Je suis défumeuse poète… »
Martine Pages est une poétesse de talent sachant jouer avec les mots en donnant toute une musicalité à cet exercice difficile dans lequel elle se livre entièrement. Nous passons bien par les cinq sens et des frissons parcourent notre corps en lisant certains passages tant elle nous fait rentrer dans son intimité. Que cela soit avec les médecins, les inquiétudes liées aux maladies ou à son petit copain, il ressort une grande sensibilité se retrouvant derrière chaque mot choisi avec talent.

« Christophe ne me manque même pas, toute mon attention et tous mes sens sont focalisés sur le vide immense qu’un morceau de papier fourré, à peine plus long qu’un doigt, laisse dans ma vie, plus plate que jamais, une morne plaine, sans contours ni reliefs, sans pleins ni déliés, et j’en arrive à prêter au tabac la responsabilité improbable de vision en 3D…. »

« …Je suis une défumeuse juvénile… »
Juvénile car l’écriture est dotée d’une grande modernité. Nous traversons notre époque avec l’ensemble des outils offerts aux fumeurs pour tenter d’arrêter la cigarette. Elle nous analyse également l’évolution législative et le nouveau phénomène invitant à la concentration des fumeurs dans un même lieu.Concernant les locaux aménagés pour les fumeurs, « je suis assez heureuse de ne pas faire partie des troupeaux entassés dans ces maisons de poupée, comme elles n’ont, entre nous, rien de conforme aux dimensions humaines. Lewis Carroll y aurait trouvé une grande inspiration, y aurait installé Alice, un peu gênée aux entournures, étouffant, gémissant dans sa quête d’air pur, prête à expirer, découragée par l’absence de fenêtres, déterminée par dépit à défoncer le toit… »

« …Je suis une défumeuse comique… »

L’auteure dévoile une plume ironique et souvent grinçante qui ne peut laisser indifférent. Les descriptions et les métaphores sont dotées d’un humour ravageur qui ferait presque oublier le dur combat pour arrêter une addiction. Faire de l’humour sur un tel sujet était un pari risqué mais il est *en attendant réussi.

« Je reçois le relevé de tous mes remboursements médicaux. Impressionnante, la fidélité dont je fais preuve…C’est tout juste si, au bas de la page, on ne me remercie pas de prêter si fréquemment la partie supérieure de mon corps à la science… »

« …Je suis une défumeuse championne… »

Se confier et ouvrir la porte de son studio sans tomber dans le stéréotype et la vulgarité est un exercice bien périlleux. Mais Martine Pagès est bien une championne de l’écriture et elle signe un livre avec brio regroupant l’ensemble des ingrédients nécessaires à la réalisation d’un excellent ouvrage. Il ne faudrait pas en plus oublier l’essentiel : il semble que l’auteure au bout de 36 mois n’a pas repris une cigarette.

« Je mets en parallèle la facilité déconcertante avec laquelle certains hommes peuvent se débarrasser d’une fille sans crainte d’en manquer, et ma difficulté de tirer un trait définitif sur les cigarettes. Je suis là, prostrée par le contraste, la bave en écharpe…Malgré tout, toujours no-fumeuse, par je ne sais quel miracle… »


« …Je suis une défumeuse de couverture de magazine… »

Nous retrouvons bien la chroniqueuse attachée à la beauté à travers de nombreuses petites allusions. Elle nous livre ici un portrait tendre d’une femme de son temps, consciente de l’exigence médiatique sans se laisser submerger par elle.

Lire ce livre ne tue pas, je le recommande pour un moment de pur plaisir !

Les rimes de l'amour de MARIE BARRILLON à lire de toute urgence!!

Aujourd’hui, dans un monde où la rapidité semble de mise dans l’ensemble des domaines tant privés que professionnels, ou l’argent roi omniprésent dans notre société hypercapitaliste guide vers des chemins sinueux, où sommes de pseudos poètes tentent d’aligner trois vers avec difficulté s’empressant de tenter de vendre un ou deux livres avec pour certains la certitude d’avoir inventé un concept novateur et qui nous le présentent comme un pot de yaourt, je suis heureux de voir que la poésie existe encore.

Si vous aimez la poésie, si vous êtes nostalgique de Ronsard, de Baudelaire (début de vie car à la fin on sait bien que dans mon cœur mis à nu…il a rencontré quelques difficultés), d’Apollinaire ou de Paul Eluard, ce recueil va rapidement devenir votre livre de chevet.


Au menu de ce livre : les mots pour les maux, les mots pour le temps, les mots pour l’amitié, les mots pour l’amour sont autant de thèmes abordés dans ce menu à la carte qui saura raviver la flamme des fins palais littéraires.


Ma gourmandise fait que je n’ai pu que savourer quelques vers en piochant au hasard dans le livre dans un premier temps, puis en reprenant soigneusement par la suite chaque poème dans l’ordre proposé. La suite, vous la connaissez cher lecteur puisqu’elle n’est pas finie et inavouable. Comme chaque livre de chevet, je pense que je vais continuer à picorer sans fin (ou faim…) ces quelques vers sans jamais me rassasier.


Si certains vers obéissent aux règles de la liberté, d’autres sont construits avec des rimes talentueuses. Le tout forme un ensemble de poèmes unis par la beauté des mots enivrants avec un rythme endiablé nous invitant à frissonner tout au long de la lecture.


Que dire d’autre à part citer quelques vers afin de vous dévoiler le style Marie Barrillon, poétesse de talent, auteure de qualité, chroniqueuse de passion et femme exceptionnellement généreuse.


« Tu as choisi les billets verts contre les billets du cœur
Amour, argent commencent par la même lettre
Mais n’ont jamais eu la même valeur »

Extrait du poème Luxure n’est pas amour


« J’ai senti ton parfum

Et puis la caresse de tes mains,

J’ai fermé les paupières

Pour prolonger le rêve.

Lorsque je les ai rouvertes,

Tu étais sur mon cœur. »

Extrait du poème Prière « Je vais t’apprendre en douceur

A fermer les yeux sur la peur

Faire de nos jours les meilleurs

En éparpillant toutes les saveurs »

Extrait de Pas dans une autre vie


« Son seul souhait serait de s’éteindre doucement,

Le moment venu, avec le sourire et l’apaisement,

L’ultime souffle comme un dernier baiser à l’être aimé

Les persiennes grandes ouvertes sur l’éternité étoilée. »

Extrait de Cœur

Une chronique à découvrir également en suivant ce lien:
http://www.1001-livres.fr/1614-Les%20rimes%20de%20l'amour

Voyages avec mon amant virtuel tome 1 - Le genou

« « Ah non ! Pas le genou ! Il t’a touché le genou ?! Ah non ! Je préférerais encore qu’il t’ait embrassée… » Je la rassure. Il n’a jamais fait que tester… « Attends d’avoir mon âge et d’être comme moi, flattée… ce n’est rien ! Ne t’en fais pas. Je ne suis pas une femme fatale. » »

Histoire simplifiée complexe
Une femme de 55 ans se fait draguer par un jeune millionnaire de trente ans à Londres. Elle est mariée et son mari Guy ne semble pas s’opposer à la liaison hypothétique de son épouse. Elle aime d’ailleurs jouer à le provoquer de temps en temps lorsqu’elle reçoit un texto de lui. Lui, c’est Myles, le fameux millionnaire. Le jeu de la séduction va être omniprésent tout au long du livre avec des attentes difficiles qui en disent parfois plus long que la réalité et les textos tendres ou étonnants qui traversent le livre.Le titre du livre résonne tout au long de l’histoire en réalité car ici il s’agit bien d’un voyage avec un amant virtuel. Nous traversons des villes mais aussi des époques accompagnées du doute et de la réflexion de la narratrice. Mais dans ce long fleuve d’hésitation, il y a ses amies, son mari, son neveu et même une élève de neuf ans. Chacun apporte son grain de sel à l’histoire et la large majorité la pousse dans les bras de Myles. Malgré tout, il y a Guy. Ce fameux mari quasiment chômeur une partie du livre, puis retraité, qui prépare les petits plats à la maison et repasse le linge.


Un style séduisant et humoristique
On ne se lasse jamais du style de Catherine BEAUFORT. Elle a su ingénieusement mettre son style au service de ce roman réussi avec dès le départ ses effets provoqués par les répétitions, les titres de chapitre accompagnés du degré de température ou encore les quelques définitions de terme avec la comparaison anglais/français. Tout au long de ces longues réflexions, nous retrouvons cet humour permettant de rendre la lecture de ce livre captivante et agréable.Quoi faire d’autre pour vous inviter cher lecteur à découvrir un style que de partager avec vous quelques pépites littéraires ?

Un exemple de définition et de comparaison :
« MARIAGEL’une des définitions du Petit Larousse illustré de 2003 est la suivante :« L’un des sept Sacrements de l’Église catholique. »MARRIAGE“Formal union of a man and a woman typically recognised by law.”The New Oxford Dictionary est démodé, cette fois-ci, car les homosexuels mâles et femelles peuvent se marier depuis cette année, comme l’a fait Elton John. »

Une longue phase de réflexion au début du livre dont voici un extrait…

« Tout a vraiment commencé, en fait, bien avant moi, bien avant elle, il y a déjà fort longtemps, quand les hommes étaient hommes et les femmes étaient femmes, et que même encore maintenant on ne le croit pas. Ou peut-être que si. »


A la découverte des dialogues :
« – J’aime vos cheveux ! Très classe !
– Merci !
– Êtes-vous mariée ?
– Oh oui ! Depuis trente ans ou plus !
– Pourquoi ne portez-vous pas d’alliance ?
– Mon mari et moi avions de l’eczéma sous nos alliances qui étaient larges à l’époque, alors nous avons arrêté de les porter. Le mariage représente bien autre chose de toute façon !
– Quoi par exemple…
– Une connexion émotionnelle…
– C’est ce que vous avez avec votre mari ?
– Oui. Quelquefois !
– Avez-vous eu des amants ?
– Non.
– Pourquoi pas ?
– Je ne sais pas. Je n’y ai pas réfléchi. Peut-être que je veux tout ou rien. Pas de jeux. À quoi bon ? »

Il ne vous reste plus qu’à découvrir ce petit bijou dans sa globalité.

Une chronique à découvrir sur le site 1001livres également.
http://www.1001-livres.fr/1599-Voyages%20avec%20mon%20amant%20virtuel%20tome%201%20-%20Le%20genou