dimanche 1 mai 2011

La Casati de Camille de Peretti


« Le poète s’incline respectueusement et dit : « vous avez la pureté de la licorne, vous êtes la pureté incarnée. » en faisant glisser la pointe de sa barbe blonde à la naissance du bras de la jeune marquise. Il est le premier, il est l’homme d’exception qui trouve le diamant là où d’autres ne voient qu’un caillou. Elle est flattée. Plus que cela, elle est découverte. »










Comment proposer une chronique pour cette œuvre qui, selon moi, représente un OVNI littéraire ? Le talent peut-il se résumer en quelques mots, en quelques parties segmentées dans une chronique littéraire ? Cependant, en arrivant à la dernière page, il m’est apparu qu’écrire cette chronique était essentiel. On ne saurait lire le roman, La Casati, puis le refermer innocemment. Il restera dans mon panthéon littéraire, et c’est la raison pour laquelle, cher lecteur, je prends ma plume.


Une histoire et…


Je ne vous cacherai pas qu’en commençant ce livre, je ne savais pas qui était la marquise Casati… La quatrième de couverture nous dévoile quelques traits de cette femme née en 1881 et décédée en 1957, mais c’est sous une forme assez originale que nous allons apprendre à la connaître au cours de ces quelques pages. J’évoquerai le style dans une seconde partie.

Petite fille éduquée dans un monde riche, Luisa Amman perdit sa mère jeune, et son père, lui, s’occupa de ses affaires jusqu’à sa disparition, deux ans plus tard. Le mariage arrangé étant légion, elle épousa Camillo Casati le 22 juin 1900 voyant par ce biais, la possibilité de vivre sa vie comme elle l’entendait. Tout aurait pu être un long fleuve tranquille, et pourtant cette femme vit un jour sa vie basculer, de par sa rencontre avec le poète Gabriele d’Annunzino. Elle put alors réaliser son rêve : rencontrer des artistes. Ce fut le point de départ d’une nouvelle existence pour celle qui, une fois devenue la marquise Casati, se fit muse et mécène, toute en excès et en excentricité. Ce choix la conduisit sur des routes parfois sinueuses, du fait de ses caprices et de sa détermination à obtenir ce qu’elle souhaitait...


…L’autre histoire


Toutefois, l’écrivaine ne se contente nullement de nous raconter l’histoire de la Casati. Dans cette œuvre, elle se livre en cherchant, au fil des pages, des correspondances avec la vie de son héroïne. Elle s’en rapproche, s’en détache : « Je crois que c’est ici que nos chemins se séparent. En quelques mois, Luisa devient une véritable mondaine. Moi, je reste seule devant mon ordinateur. », ou bien se retrouve, mais surtout Camille de Peretti lève, de temps à autre, le voile sur ce qu’elle est, dans ce roman fort en émotions. La superposition entre des passages de sa vie personnelle et celle de la Casati est construite d’une façon saisissante et remarquable. Comment ne pas s’égarer ? Et, plus que toute autre chose, comment l’écrivaine parvient-elle à ne pas perdre son lecteur ? Assurément parce qu’est au rendez-vous, le talent.


Un OVNI littéraire


En parcourant la quatrième de couverture, le lecteur peut être tenté de penser que Camille de Peretti s’est lancée dans une biographie. Il n’en est rien ! D’ailleurs, l’écrivaine nous met en garde dès les premières pages, « Je ne sais pas faire une biographie. Et j’ai toujours aimé les beaux mensonges dans les livres et dans la vie. Ce livre est un roman. » Néanmoins, ne nous ment-elle pas un peu en nous disant que ce livre est un roman ? La réponse est dans la phrase certainement … Il y a également l’épigraphe, « C’est mon personnage, c’est mon trésor. J’ai le droit de lui faire dire ce que je veux. ». Dès le départ, on sent que l’auteure veut nous surprendre pour rester insaisissable et distante ; elle veut faire s’éloigner la moindre ambiguïté en nous expliquant que ce roman n’est pas une biographie. Vous noterez aussi, cher lecteur, l’utilisation du possessif que l’auteure utilisera plusieurs fois dans son roman.



« Je cherche en vain des anecdotes, des détails, des recoupements, mes recherches stagnent. Des pans entiers de la vie de Luisa restent muets. Elle vient me rendre visite en songe pour me tirer de ce mauvais pas. La nuit dernière, elle me montrait son petit doigt. »



Cela n’empêche pas de constater un travail de recherche immense et passionné. Derrière chaque mot, on le ressent, tout en nous en détachant. C’est alors que la romancière talentueuse se distancie de la biographie en laissant, dans certains passages, quelques indices concernant son travail de recherche à travers Internet, la lecture, ou encore les voyages lui permettant de revivre (et de nous faire revivre) des passages de vie de la Casati. Par moment, j’ai même souri en songeant aux reportages effectués par Camille de Peretti dans le cadre de Next libération dans le style d’écriture.

Cette alternance entre la vie de la marquise et celle de l’auteure représente un montage aussi judicieux qu’audacieux et dangereux, mais on ne peut plus réussi.


« Quand j’ai commencé à écrire ce roman, j’espérais que Luisa et moi finirions par nous trouver. Je ne prévoyais pas que cela se ferait de manière insidieuse, en ravivant des souvenirs enfouis et minuscules. »

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