lundi 27 décembre 2010

Entretien avec Martine PAGES






1°) Lauréate du prix de la Nouvelle organisée par PPDA en 2007, tu as publié une nouvelle (concours Volpilière 2008) et deux livres depuis (Céanothes et Potentilles éditions Volpilière et Mon guide de la défume aux éditions Guy Trédaniel).

Quelle est ton aventure avec l’écriture et quel rapport as-tu avec elle ?

L’écriture s’est imposée dès l’enfance. J’obtenais de bonnes notes. C’était la matière « français » qui me faisait « passer » de classe en classe.
J’entretiens un rapport sensuel avec elle. Il est aussi obsessionnel : si je commence un ouvrage, il m’est impossible de ne pas m’y atteler tous les jours. Des soucis de santé récents m’ont fait perdre du temps, je suis en train d’essayer de le rattraper. Mais des idées se sont envolées dans les névralgies. Pour le coup, c’est une véritable douleur. Deux ou trois chapitres, et la plaie sera pansée ! Je passe un temps incroyable à la correction. Le manuscrit se doit d’être aussi bon que beau. De la même façon qu’une petite main vérifie que l’envers de son napperon est aussi réussi que l’endroit, je suis très sévère avec moi-même et ne m’accorde aucune excuse.


2°) « Tous les romans viennent du cœur » disait François Mauriac. Je sens derrière chaque mot que tu écris une profonde sensibilité que cela soit dans ton roman ou dans le guide de la défume. Que penses tu de cette citation ? Est ce qu’elle te parle ?


Oui, radicalement. J’ai conscience que mon cerveau m’oriente vers de jolis mots et surveille les règles d’une bonne syntaxe. Pour autant, il s’agit bien d’émotions, de partage, de générosité et d’abandon. Je sais mon cœur coutumier du fait. Mais je suis assez scolaire. Aussi, il y a une part de raison qui me dicte de rédiger mes textes à l’attention des personnes que je veux toucher.

Oops, eh bien non, on en revient toujours au cœur, finalement…

3°) Dans mon guide de la Défume, on voit la femme passionnée que tu es et la passion rime souvent avec excès. Si tu as arrêté de fumer, tu n’en as pas perdu la passion. Quels sont tes nouvelles drogues/excès ?

Ok. Je suis un régime drastique, ce qui proscrit les ruées sur les frites. Je bois une douzaine de thés verts par jour, qui me donne l’illusion de la chaleur que la cigarette m’offrait, quand sa fumée pénétrait ma gorge. C’est un bon leurre. Et un leurre bio ! J’ai un peu jeté mon dévolu sur un très bon Anjou. C’est assez récurrent, mais pas alarmant. Deux verres le soir m’apaisent et je mets au défi quiconque de m’observer me rouler par terre et d’en faire le récit.

4°) Quels sont les auteurs classiques et/ou contemporains que tu apprécies ?

Je vénère littéralement Claire Castillon. Helena Noguerra m’a également touchée ; ses deux romans sont de véritables prouesses. J’attends le troisième avec impatience. Ces deux auteures sont capables d’une « impudeur de bon goût ». Elles sont très littéraires et leurs mots font transpirer une lucidité rare. Marie Billetdoux aura été mon premier coup de foudre. C’est bien elle qui m’a appris, à la lecture de « Prends garde à la douceur des choses » à décrire les émois vifs et confondants, qui ponctuent chacun de mes livres.

5°) Dans Céanothes et Potentilles, Blanche, personnage principal, se retrouve seule. Est- ce que l’écrivain Martine Pagès se sent seule ou est-elle bien entourée dans le milieu littéraire ?

J’ai la prétention d’être liée à deux maisons d’éditions. Elisabeth Mozzanini m’a donné par deux fois ma chance et sait procéder au mieux avec ses auteurs (Volpilière). Les éditions Guy Tredaniel ont cru en moi pour « Le guide de la défume ». Deux romans la même année, c’est une belle façon de faire la nique aux fortunes qu’on a tous dépensées aux PTT. Oui, je me sens affreusement seule, même si ma famille est on ne peut plus présente. Lorsque l’on n’a ni mari ni enfant, on entend souvent « Tes livres, tu en as accouché ». C’est faux. Rien ne remplace des coups de pieds dans le ventre ni la délivrance. Je n’ai pas eu la joie de traduire un test de grossesse et aucun homme n’a coupé le cordon pour me promettre la protection. Je ne veux plus entendre ce genre d’aberrations venant de…parents.

6°) Parmi les nombreux passages de qualité de Céanothes et Potentilles, un a retenu mon attention « Blanche veut le Simple et le Simple est un panneau d’interdiction, un passage piéton au petit bonhomme programmé pour être toujours rouge, si bien que si l’on est à pied, on peut attendre des années avant de traverser la chaussée. On lui dirait bien de prendre des chemins de traverse, à Blanche ».
Est ce que Martine PAGES est en train d’attendre que le petit bonhomme passe au vert, est-elle en voiture sur une autoroute ou bien s’apprête-t-elle à prendre des chemins de traverse ?

J’ai tenté les chemins de traverse, à pieds, par curiosité, pour faire différent. Ça ne m’a pas toujours réussi. Sur les conseils de personnes qui se prétendaient avisées, j’ai finalement roulé en auto sur de grands axes. Or, sur ces autoroutes, les accidents sont effrayants, voire mortels. Ma voiture stationne en ce moment même dans mon garage et je l’ai vidée de son essence. Je tente de trouver un chemin suffisamment balisé, mais sans arrêts imposés. Avec bonhomme bleu. Oui, je sais…

7°) Je pense à Mon guide de la Défume en cette fin d’année. Quels sont tes vœux pour 2011?

Un vœu de princesse. Trouver l’amour. Ce sera un moteur neuf. J’irai alors faire le plein et m’essayerai à tous les trajets que proposent les cartes routières. Sans crainte de panne sèche, ni de chaos. Enfin.

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dimanche 26 décembre 2010

Entretien avec Laure MEZARIGUE


1°) Un premier roman est la découverte d’un style et d’une auteure. Comment te présenterais-tu en quelques mots ?



Je suis un auteur humoristique. C’est très difficile de faire rire, mais pour moi c’est la voie la plus noble pour atteindre le cœur des gens. Le comique est souvent minimisé et décrédibilisé en raison de la forme employée pour véhiculer des messages, mais je ne connais pas de moyen plus désarmant et plus fort pour toucher quelqu’un. Les messages d’humour sont souvent des messages d’amour d’ailleurs, à mes yeux. L’une des modalités humoristiques que je travaille le plus consiste à faire naître le rire de situations de contraste. D’ailleurs, celui qui maîtrise cela, a tout compris à mon sens. Les frères Astier, par exemple, exploitent parfaitement ce mécanisme dans des séries comme « Kaamelott » ou « Hero Corp » : un super héros qui fait des bulles de savon en guise d’attaques, c’est juste énorme. Sinon, j’aime bien frapper le lecteur au moment où il s’y attend le moins, c’est mon côté sniper. Le rire doit être franc, généreux. Le lecteur doit se marrer à s’en décrocher la mâchoire, sinon, on passe à côté. Le meilleur test, c’est lorsque je me relis et que je ris moi-même de ce que j’ai écrit. Là, je sais que j’ai atteint mon but. Et lorsque je parviens au fou-rire, sous le regard souvent médusé de mon entourage, alors, je sais que j’ai gagné.



2°) Quelles sont tes références littéraires ? As-tu des grands auteurs en tête ?



J’aime beaucoup Carlos Ruiz Zafon, je trouve que « L’Ombre du vent » est l’un des meilleurs romans qu’il m’ait été donné de lire ces dix dernières années. Sinon, je lis beaucoup de romans policiers. Dennis Lehane n’est jamais très loin de ma table de chevet et, dernièrement, j’ai découvert Jesse Kellerman : la construction narrative et la fin de son roman « Les visages » sont remarquables. Bon, il a le même âge que moi et j’ai eu vaguement l’envie très cordiale de lui mettre trois balles dans la nuque tant son talent m’a exaspérée. Mais passé ce moment d’égarement, j’ai convenu avec moi-même de lui laisser la vie sauve pour avoir le bonheur de le lire à nouveau. Sinon, côté classiques, j’admire des auteurs comme Faulkner, John Kennedy Toole et Céline. Faulkner est vraiment la référence ultime pour moi. Avec le flux de conscience, il a inventé cette forme d’écriture inouïe qui se sert juste de la perception d’une émotion pour dicter à un personnage son discours intérieur. Le monologue de Benji dans « Le bruit et la fureur » a été une découverte littéraire majeure pour moi et ne cesse encore de me hanter lorsque je tente, à ma toute petite échelle, de reproduire l’effet d’un ressenti sur l’un de mes personnages. Enfin, j’ai été dans une autre vie étudiante en littérature africaine et je nourris un amour sans borne pour des auteurs comme Hampâté Bâ, Monenembo, Kourouma ou encore Sassine.



3°) As tu des rites lorsque tu écris?



Oui. Je me mets toujours en condition en écoutant de la musique. Ensuite, je m’emmitoufle dans ma couette d’écriture (C’est bien simple, en ce moment, j’ai trois couettes : une pour chouiner, une pour dormir et une pour écrire. Les trois couettes en question n’étant pas forcément localisées au même endroit… C’est super important de bien savoir répartir ses couettes chez des gens de confiance dans la vie, tu sais…) Donc je me mets en position de combat pour écrire, sous ma couette d’écriture, le portable sur les genoux, le chat effectuant, une fois de temps en temps, un vol plané dans la pièce quand il devient trop envahissant et je me sers de l’état émotionnel produit par la musique pour écrire. En ce moment, je suis dans une période plutôt classique. Chopin, Schubert, Schumann et Satie sont mes compagnons d’écriture du moment. Il y a pire, je crois, comme potes de chambrée. Pour « Les Chroniques d’une pieuvre », en revanche, j’ai écouté en boucle Alain Bashung, Rufus Wainwright, les Tindersticks, Les Clashs, Nina Simone ou encore Bowie. Ils m’ont transportée et accompagnée jusqu’à la fin du bouquin. La musique est indissociable de mon écriture, de ma façon d’être, de ma vie.



4°) Tu arrives à mêler l’ironie, la tristesse et la sensualité avec brio dans tes écrits. Est ce que l’écriture est pour toi automatique ou le fruit d’un long travail ?



L’écriture est, pour moi, avant tout le fruit d’un long travail. J’écris un premier jet sous un afflux d’émotions (allégresse, tristesse etc…) et ensuite je les ciselle jusqu’à obtenir l’effet voulu. J’ai fait de la sculpture pendant quelques temps et je reproduis exactement la même chose en écriture. Je travaille une première forme qui me parle, puis je la peaufine et gomme les aspérités pendant des heures, des semaines, voire des mois. Ce sont les finitions. Je n’atteins jamais la perfection, c’est impossible. Mais au moment où je me sépare de mon livre et qu’il ne m’appartient plus, j’ai moins peur de la réaction de l’autre, parce que j’ai fait tout mon possible pour lui rendre un travail de la meilleure facture qui soit, à mes yeux.



5°) Tu partages tes écrits sur la toile à travers ton blog (http://tentaculture.typepad.com/). Quel regard porte la jeune auteure que tu es sur les nouveaux supports de communication des auteurs pour se faire connaître (blog, réseaux sociaux, …) ?



Effectivement, je tiens un blog et me sers de Facebook et de Twitter pour diffuser mes textes depuis mon site. Je trouve que ce sont des outils de communication indispensables pour mener à bien sa diffusion, surtout lorsque l’on est en auto-publication, comme c’est mon cas. Et puis, la plupart du temps, les réseaux sociaux sont des accélérateurs de particules qui vous amènent à rencontrer rapidement des lecteurs en chair et en os. Mais je ne vais pas forcément chercher à vendre mes livres à quelqu’un. Je vais toujours, dans un premier temps, l’inviter à aller voir mon travail, afin qu’il se fasse une première idée. Et si ce qu’il a entrevu lui a plu, alors il peut aller commander mon bouquin. Les réseaux sociaux sont donc, pour moi, une mise en bouche progressive de mon lecteur. Si ce qu’il pioche dans le menu lui convient alors il peut aller jusqu’au dessert. Mais cela reste son choix.



6°) Quels sont tes projets d’écriture ? Est ce que la confidentialité est de rigueur ou peux-tu nous les évoquer?



Actuellement, j’écris mon second roman qui s’appelle « L’agrément ». Il raconte la journée peu ordinaire d’une inspectrice du travail qui va rendre visite à une association chargée d’insérer professionnellement des gens en très grande difficulté psychologique. Et ce voyage dans la vie peu banale de personnes qui doivent apprendre à gérer quotidiennement leur folie va lui en apprendre beaucoup plus long sur elle-même que toutes les thérapies au monde.


Avec Martine PAGES et Laure MEZARIGUE, nous nous sommes lancés dans l'aventure magnifique du twinome! C'est pour celà que je vous invite à découvrir l'entretien réalisé de Martine PAGES également en suivant ce lien!
http://clementchatain.blogspot.com/search/label/Martine%20PAGES

Merci à vous tous de nous suivre dans cette belle histoire!


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Entretien avec Marie Laure BIGAND


1°) Dans quelles conditions écris tu ? As-tu comme certains auteurs des rites bien particuliers sans lesquels tu ne pourrais pas écrire ?


Alors non, je n’ai pas de rites. J’écris dès que j’ai un moment. Je peux écrire parfois tous les jours, et puis à d’autres moments rester plusieurs jours sans une ligne. Cependant lorsque j’ai un roman en cours d’écriture, mes personnages ne me quittent jamais. Lorsque je suis dans un entre-deux, c'est-à-dire un roman terminé, et le suivant pas encore entamé, je me sens très seule, mais ce temps-là est nécessaire pour digérer la perte de mes personnages avec lesquels j’ai passé tant de temps. J’aime aussi écrire des petits textes courts, qui eux viennent sans prévenir ; mais à ce niveau-là j’ai remarqué que je fonctionnais vraiment par période, des périodes d’inspiration. Lorsque ces périodes me quittent un peu je ne m’affole pas car je pense que ce « vide » est nécessaire pour rebondir et se ressourcer.


2°) Un roman est toujours un mélange complexe d’anxiété et de bonheur, comment as tu vécu son édition et comment vis tu sa deuxième naissance ?

« Le premier pas » est mon deuxième roman. Même s’il y avait eu avant un premier roman, il a fallu que je cherche à nouveau un éditeur. Une fois que mes envois étaient partis et que j’étais dans l’attente, je suis très vite repartie sur un nouveau projet. C’est essentiel pour faire face aux réponses négatives qui sont inévitables. Ce n’était pas vraiment de l’anxiété mais l’appréhension que tout s’arrête. Et puis, j’ai eu la chance d’avoir trois réponses positives pour ce deuxième roman. Il a donc eu une première vie, un peu compliquée. Ma deuxième éditrice a fermé, mais entre-temps j’avais eu la chance de trouver celle qui est aujourd’hui mon éditrice : « Laura Mare ». J’ai publié avec elle mon troisième roman « D’une vie à l’autre », et pour elle mon roman « Le premier pas » se devait d’exister à nouveau. Elle m’a donc proposé sa réédition. Je ne la remercierai jamais assez pour ce beau cadeau. Et je vis cette nouvelle aventure aussi intensément qu’à sa première parution, parce que voir son livre prendre vie est la meilleure des récompenses pour un auteur.


3°) Le premier pas aborde des thèmes complexes comme la séropositivité. Est ce que je me trompe en disant qu’il y a au delà de ce roman, un vrai message ? Si oui, peux-tu nous l’évoquer en quelques mots ?


Beaucoup de choses m’intéressent. Pourquoi avoir abordé le problème du Sida ? Je ne sais pas vraiment… Ce thème-là me tenait à cœur. L’idée qu’une de mes héroïnes soit blessée par le regard des gens s’est alors imposée. J’ai lu beaucoup de témoignages, dont celui d’une infirmière qui a travaillé durant trois années dans un service avec des sidéens en fin de vie. Durant des semaines, j’ai lu tout ce que j’ai pu sur ce sujet. Il était important que je m’imprègne de l’état d’esprit des personnes séropositives. Après, l’histoire est venue d’une manière très naturelle. Et c’est au lecteur d’y trouver un message ou pas. J’invente des histoires, pas pour faire passer un message, mais pour raconter des vies que l’on peut, peut-être, croiser un jour…



4°) As tu des projets littéraires et peux tu nous en parler un peu ou cela est-il confidentiel ?


Rien de confidentiel. Je viens de terminer mon quatrième roman, et maintenant je le relis pour tenter de l’améliorer le plus possible. C’est un gros travail mais il est indispensable. Ensuite je le soumettrai à mon éditrice, et c’est là que je serai anxieuse. Lui plaira t-il assez pour qu’elle en accepte la publication ?

L’idée du cinquième commence doucement à se profiler, mais rien de définitif encore…


5°) Quelle est ta vision de la littérature contemporaine ?


J’écris mais j’adore lire, impossible pour moi de ne pas avoir un livre en cours de lecture. Il y a de la très bonne littérature. Pour moi c’est lorsque je referme un livre et qu’il me faut un moment pour me remettre de la lecture parce que j’ai été emportée et que l’écriture m’a happée. Et puis, bien sûr je suis déçue parfois… Aujourd’hui il y a de plus en plus de livres et de moyens de publications, et je trouve que c’est un peu difficile pour le lecteur de s’y retrouver. Je suis aussi très attentive aux critiques que je peux lire ou entendre.

Il y a d’excellents écrivains contemporains, mais heureusement les goûts des uns ne sont pas les goûts des autres, ce qui laisse la place à un large éventail.

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Entretien avec Pierre CHALMIN




Pierre CHALMIN, à l’occasion de la sortie de son dernier livre, Dictionnaire des injures littéraires (L’éditeur), a eu la gentillesse de répondre à quelques unes de mes questions.










1°) Comment est née l’idée de ce dictionnaire ?

L’idée est ancienne déjà, je l’ai eue il y a une dizaine d’années. J’avais en tête le mot de Léautaud : « Aimer, admirer, respecter, c’est s’abaisser. » J’étais révolté par la complaisance stipendiée de nos pseudo-critiques littéraires. J’ai voulu présenter les hommes célèbres, les gloires incontestées, sous la plume de leurs pires détracteurs. Je me rappelais aussi le mot de Chamfort : « La postérité n’est jamais qu’un public qui succède à un autre ; voyez ce que vaut celui d’aujourd’hui. » Bref, je voulais donner un coup de pied dans la fourmilière des idées reçues, bousculer le lecteur, qu’il comprît que les notoriétés se fabriquaient, qu’on n’était pas tenu de prendre pour argent comptant la réputation de tel écrivain consacré, tel poète réputé, tel peintre exposé au Louvre. Que la culture, c’est d’abord d’oublier toutes les conventions d’admiration et se forger ses propres critères. Enfin, la méchanceté, par définition plus lucide que la bonté, est un excellent excitant littéraire. On fait de bons mots avec de mauvais sentiments, c’est connu.


2°) Comment es-tu arrivé à rassembler l’ensemble de ces injures ? As-tu eu une méthode bien précise ?

En lisant !… Quant à ma méthode, je suis au regret de confesser qu’elle fut fantaisite. Si j’ai puisé systématiquement chez certains méchants réputés, de Voltaire à Cocteau en passant par Sainte-Beuve, les Goncourt, Flaubert, Barrès, Zola, Céline, Gide Mauriac ou Léautaud, j’ai repris des notes éparses, tenté de remettre la main sur un millier de citations paresseusement cornées dans quelques centaines d’ouvrages dont certains avaient entre-temps disparu de ma bibliothèque… Bref, une irritante impéritie, qui explique les lacunes nombreuses de ce Dictionnaire qui aurait dû avoir trois fois le volume qu’il a. Mon éditeur n’a pas souhaité d’autre part faire entrer dans cet ouvrage un grand nombre d’inconnus que je ressuscitais pour la beauté des outrages qu’on leur avait décernés.

3°) Pourquoi avoir souhaité ne pas limiter finalement ce dictionnaire aux pures figures littéraires?

Je regrette que le titre de ce dictionnaire prête à confusion : il s’agit d’un dictionnaire des injuriés, je n’ai jamais eu d’autre projet en tête et n’ai pas « finalement » décidé d’élargir mon sujet… Le titre initial était : Dictionnaire des Injuriés. Mon éditeur en a changé sans me consulter. Il avait au moins une bonne raison à cela : celle de pouvoir décliner l’idée si cet ouvrage marchait. C’est ainsi qu’on m’a annoncé que paraîtrait bientôt un « Dictionnaire des injures politiques »… Il s’agit de marketing et de rien d’autre.

4°) Quelle est ton injure préférée dans ce dictionnaire ?

La longue épître qu’adresse Fénelon à Louis XIV (p.391-398) : il se met à la place de Dieu le Père, c’est l’altitude idéale et la seule position possible pour outrager un Roi de droit divin, celui qui passait pour le plus grand de la Terre. Une prosopopée sublime. Le Jugement Dernier avant l’heure. Les griefs de Fénelon sont historiquement et moralement fondés, et son français est un pur délice, ce qui ne gâte rien.

Pour reprendre un mot de La Bruyère que je place en épigraphe : « La moquerie est de toutes les injures celle qui se pardonne le moins. » Les injures moqueuses ont ma préférence : elles témoignent du sang-froid de l’insulteur qui loin de se laisser emporter par la haine ou la colère, ne vise qu’à ridiculiser son adversaire. La missive de Voltaire du 30 août 1755 à Rousseau, réfutant allégrement la théorie de l’homme perverti par la société et qui se termine sur une invitation à venir à Ferney « brouter nos herbes » (p. 589), est un modèle du genre.

J’ai souvent été injurié dans ma vie. Chaque fois que je décelais la hargne de mon ennemi, sa volonté de me faire du mal à tout prix, j’éclatais de rire ! Il avait perdu : il me haïssait, j’occupais par conséquent son esprit (si peu qu’il en eût) bien plus qu’il n’occuperait jamais le mien : il ne me restait qu’à le mépriser…


5°) As-tu eu des limites, te disant : « Cette insulte, je ne peux pas la mettre… » et si oui, pourquoi ?

J’ai sans doute censuré de mon propre chef quelques injures que je jugeais trop bêtes, à l’encontre d’auteurs qui me sont chers.

Mon éditeur quant à lui a eu des scrupules commandés par le droit pénal ou l’idéologie actuelle. Beaucoup d’injures antisémites ont été supprimées, évidemment liées à un contexte historique déterminé. Des injures misogynes ou « homophobes » également. Il paraît que de Gaulle et/ou les Arabes sont aussi à ménager aujourd’hui. Cette injure a par exemple été supprimée :



« Qu’est-ce que les Arabes ? Les Arabes sont un peuple qui, depuis les jours de Mahomet, n’ont jamais réussi à constituer un État… Avez-vous vu une digue construite par les Arabes ? Nulle part. Cela n’existe pas. Les Arabes disent qu’ils ont inventé l’algèbre et construit d’énormes mosquées. Mais ce fut entièrement l’œuvre des esclaves chrétiens qu’ils avaient capturés… Ce ne furent pas les Arabes eux-mêmes… Ils ne peuvent rien faire seuls. »

Charles de Gaulle

cité par Cyrus Sulzberger, Les Derniers des Géants



Je m’y attarde parce qu’elle jugeait autant l’insulteur que les injuriés. C’est ainsi que beaucoup d’outrages que j’appellerais des « auto-injures », ont sauté, le lecteur dans sa parfaite bêtise n’étant pas censé comprendre qu’il y avait de l’ironie dans le choix du compilateur, et qu’en somme l’insulteur se ridiculisait tout seul…

Enfin, on pourrait parler des injures auxquelles j’eusse finalement renoncé, celles qui visent nos contemporains : « On a toujours un peu honte de citer des noms qui dans cinquante ans ne diront plus rien à personne. » (Baudelaire)


6°) Comment perçois-tu le milieu littéraire actuellement?

Comme un milieu au sens mafieux du terme.

Une industrie qui trafique les influences, brasse beaucoup trop de papier et encore plus de vent.

Les grands éditeurs parisiens ne publient, en fait de nouveautés, que de la merde : l’éternelle autofiction de la petite fille incomprise ou du poète maudit, qui s’étalent piteusement, noircissent des pages autour de la littérature, ne mettent pas leur peau sur la table, ne disent rien et le disent fort mal. Ils n’ont rien lu, rien vécu, rien senti. Des ectoplasmes illettrés.

Mais je ne crois pas à l’auteur génial victime d’une conspiration universelle : un véritable chef-d’œuvre finirait par être publié, hasard heureux ou salutaire malentendu. J’écris cela dans l’illusion de décourager les centaines de milliers de graphomanes que compte notre pays. S’ils ont été refusés, qu’ils n’insistent pas ! (Je fus moi-même éditeur, je sais de quoi je parle.)

Il existe enfin, en marge du « milieu », des petits éditeurs audacieux, cultivés, enthousiastes. Ils sont quelques-uns au goût assez sûr.

Si j’avais un conseil à donner, ce serait de ne pas lire ses contemporains, non seulement parce qu’il n’y a pas de raison de commencer par la fin, mais encore parce que notre époque est littérairement piteuse : il n’est que de la comparer pour s’en convaincre.


7°) Que penses-tu du prix Goncourt attribué à Michel Houellebecq et du Renaudot attribué à Virginie Despentes ?


« Un auteur qui reçoit un prix littéraire est déshonoré. » Je finis comme j’ai commencé, en citant Léautaud. Je ne comprends tout simplement pas que les lecteurs, sachant la corruption des jurés et du système, achètent des livres primés. C’est encourager le vice. Mettons que ces distinctions prouvent par l’absurde que les livres et les auteurs qui en font l’objet ne valent rien.

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Chroniques d'une pieuvre Laure MEZARIGUE


« Le premier béta-test, je l’ai choisi car avec ses grands yeux de panda triste, je n’avais probablement rien à craindre de lui ! Et bien que nenni, l’Homme Panda s’est avéré être un redoutable journaliste issu du monde de la mode qui passait son temps à fréquenter des mannequins et des filles de la jet-set. Vous la sentez venir la catastrophe ? Loin du clinquant, des modeux sans fric et des divas de la nuit, j’allais me frotter à mon double antithétique. De toute façon, quand j’ai compris à qui j’avais affaire, il était trop tard, j’étais déjà piquée des échanges en ligne. »








Ma chère femme pieuvre,

J’ai lu avec attention votre livre et je tiens à vous signaler que j’ai eu un immense bonheur à parcourir les pages de ce petit bijou littéraire haut en couleur et en portrait.


Notre société contemporaine vue à travers une jeune femme en quête d’un homme, suite à un divorce douloureux, se retrouve sur un site de rencontre. On pourrait penser, ma chère Laure, que votre thème est plus que banal et redondant mais c’était sans compter votre sens de la répartie et votre ironie qui offre au delà d’un pur plaisir littéraire une description de ces sites très intéressante.


Ainsi, on apprend à connaître « l’Homme-Refuge », « l’Homme-Panda », « l’Homme-Mégalo », « l’homme-Don-Juan », « l’Homme-Siddhârta ». Bien entendu, le piège, chère Laure, est de penser à ce stade que je n’ai pas lu votre livre parce que je ne fais que citer les hommes présentés dans votre sommaire mais détrompez vous, contrairement à certaines autres personnes mal intentionnées, je lis les livres que je chronique. Il faut donc rajouter, « l’Homme Baobab », « l’Homme-Gourmet », « l’Homme-Angora », « l’Homme-Politique » et le « Sperman ». J’espère ne pas en avoir oublié puisque bien sur, « l’Homme-Geek » n’est pas selon moi à classer ici…contrairement à ce que son nom puisse laisser paraître.


Pourquoi cher lecteur de cette chronique ne vous dirais-je pas pourquoi il n’a pas cette place dans la liste ? Parce qu’il faut que vous lisiez ce livre. Oui, chère femme pieuvre, je suis désolé, je vous trompe déjà avec mes lecteurs en écrivant cette lettre…Que voulez vous la galanterie masculine n’existe plus…Mais vous constaterez que c’est pour la bonne cause. L’homme cherche toujours des prétextes…


Le pari était osé pour ce premier roman, faire rire, tout en parsemant ce dernier de passages érotiques et en décrivant simultanément les nouvelles formes de rencontre. Que puis je vous dire ? La mission est parfaitement réussie.


Au lieu de parler inutilement ma chère Laure depuis tout à l’heure dans cette conversation à plusieurs, j’aimerai vous lire pour que vous (et les lecteurs de cette chronique) preniez conscience de votre talent.


« Mais mon exploration du web avait tourné à l’addiction, à tel point que mon existence de tous les jours était partie en lambeaux. Je voyais s’amonceler les assiettes crasseuses, les courriers non décachetés et les vêtements sales comme autant de vestiges d’une vie domestique totalement oubliée. J’avais pris l’habitude de capitaliser des amis invisibles qui avaient fini par phagocyter mes vraies relations. C’est comme si je m’étais dématérialisé en une pluie de pixels pour être totalement absorbée au cœur du système. »


Avec toutes mes amitiés littéraires,

L’Homme-Passionné »

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Le premier pas de Marie Laure BIGAND


« Je me fis couler un bain bien chaud. Je saisis un échantillon d’exfoliant pour le corps qui traînait sur le rebord de la baignoire, et me mis à frotter avec rage. Il était écrit que ce produit miracle « élimine les impuretés et cellules mortes pour lisser, tonifier et rendre la peau douce et veloutée. » J’étais septique, et puis, personne ne m’attendait dans mon lit pour en profiter. Pourtant je m’acharnai en frictionnant vigoureusement. N’était-ce pas les déceptions de ma vie que je tentais d’éliminer ? »





Une vie familiale banale

Le début de ce livre commence par une histoire banale. Irène, divorcée, se retrouve à élever seule sa fille en pleine crise d’adolescence et de révolte. Elle profite du divorce de ses parents pour faire ressentir à sa mère un profond malaise qui va la mener certainement vers une crise existentielle. Elle a quelques amies mais parmi toutes ces dernières, il semble manquer la pièce maîtresse, l’amie accompagnatrice de l’ensemble des instants pour partager peines et joies.

Irène, face à sa fille Solène demandant à passer plus de temps avec son père et sa nouvelle compagne, accepte le jeu en pensant que cela va permettre de calmer la donne et qu’elle va pouvoir enfin retrouver une situation normale avec sa fille.

C’est ainsi que tout va pouvoir réellement commencer…


Une rencontre décisive

En voyant Laetitia (une amie de sa fille) et Solène marchant devant elle, Irène se revoit avec sa meilleure amie, Patricia dont elle n’a plus de nouvelles depuis une vingtaine d’années.

C’est ainsi que se retrouvant seule pendant les grandes vacances, elle décide de retourner dans son passé en quête de sa meilleure amie.

Je suis parti totalement à l’aventure de ce roman. Je n’ai pas lu la quatrième de couverture, je n’ai pas lu d’autres articles sur ce livre, je me suis fié à l’auteure. Je suivais de loin son actualité facebookienne mais j’ai été séduit par son style d’action littéraire et par sa gentillesse en la croisant sur le chat Facebook.

Je me retrouve à avancer au fil des pages en les tournant sans hésiter et en me demandant vers où Marie Laure Bigand va nous entrainer. Je suis admiratif du talent de l’auteure constant tout au long de ce livre.

Elle va retrouver Patricia, la fameuse amie d’enfance mais la situation est étrange. Les descriptions nous font ressentir quelque chose de profond et d’inquiétant. En même temps, en débarquant vingt ans après dans sa vie, il est peut être normal de constater la distance de Patricia…Au réveil sa première nuit passée chez son amie, elle se retrouve face à un homme Lionel. Elle ne sait pas qui est ce, ce qu’il représente et elle se posera pendant quelques jours quelle est la nature de leur rapport tellement elle semble étrange.

« J’étais prise entre l’envie de quitter sur le champ cette maison et rester. Maintenant que j’avais effectué le premier pas, n’était ce pas idiot de tout abandonner ? Et puis la phrase de Lionel « c’est bien que vous soyez là » résonnait dans ma tête. Apparemment, le savoir près d’elle la tranquillisait. »


Au croisement du bonheur et de la tristesse


Peu à peu, aidé de Lionel, Patricia va confier sa séroposivité à Irène. Le thème est fort, difficile, les larmes ne peuvent que couler sur les joues du lecteur. Nous comprenons pourquoi Patricia se refuse d’aimer Lionel mais nous découvrons également comment Irène va réellement permettre un changement de situation.

Les vacances se passent, Irène également est tombée amoureuse mais cela n’est pas si simple d’autant plus qu’uun quiproquo n’arrangera pas les choses…

« J’avais envie de déposer des petits baisers sur sa peau, d’attraper ses lèvres, de me blottir contre lui. J’avais besoin de sa force et de sa tendresse. Cependant, rien dans son comportement ne laissait supposer une quelconque attirance à mon encontre. Encore une fois, je chassais les idées stupides, d’ici quelques jours, je repartirai dans mon univers, loin de Camaret, loin de Jérôme. »

Irène a retrouvé son amie et elles ne se quitteront plus jusqu’à…

J’ai eu un énorme coup de cœur littéraire pour ce livre. Le premier pas est un livre poignant ne pouvant laisser indifférent le lecteur traversé par différentes émotions. Marie Laure BIGAND a une plume vibrante n’appartenant qu’aux grands auteurs.

Dictionnaire des injures littéraires Pierre CHALMIN

« IONESCO (Eugen Ionescu, dit Eugène) (1909-1994) écrivain et dramaturge franco-roumain Il ne dort que trois heures par nuit ; il lui faut se doper pour écrire ses pièces, sa famille l’épuise, car sa femme le gronde, et sa fille de 14 ans travaille mal au lycée. « Je lui ai fait sa dissertation l’autre jour. Sujet « le dialogue de l’eau et du feu ». J’ai eu 4 sur 20 avec l’appréciation « puéril ». » Matthieu GALEY, Journal, 8 février 1959 »
Une forme intéressante : un dictionnaire !!


On fait des dictionnaires pour tout ou rien mais un dictionnaire des injures littéraires, il fallait y penser et le faire avec intelligence car la tâche s’avérait difficile.

Comment choisir les bonnes entrées, comment tenter l’exhaustivité sans jamais pouvoir l’atteindre et donc être capable de ne retenir que les plus belles interventions…parmi les pires ? Le pari était osé et il est réussi.


Pour les amoureux de la littérature

Je n’ai pas découvert la littérature à travers ses injures mais je les vois chaque jour un peu plus que cela soit dans des médias offrant la parole aux auteurs reconnus ou à travers des supports comme facebook où littéraires et pseudos littéraires s’entretuent de temps en temps... Il est d’ailleurs intéressant d’observer une société se disant victime de son époque avec des propos qui resteraient gravés à jamais avec les nouvelles technologies…mais nous nous apercevons bien à travers ce dictionnaire que nous n’avons pas besoin d’Internet pour conserver tant d’informations…et notamment les petites phrases assassines.



Pierre CHALMIN nous propose ici un travail remarquable au service d’une idée littéraire intéressante. Je connaissais quelques anecdotes mais mes carences littéraires m’ont rattrapé…et j’en ai découvert d’autres, parfois drôles, intelligentes, graves ou bien tristes...L’esprit curieux que je suis me pousse alors à en savoir plus sur l’épisode ou l’auteur et ce dictionnaire se révèle alors pour moi comme un outil au service de l’éveil littéraire. Je tiens d’ailleurs à préciser que l’auteur nous entraine au delà de la littérature puisque nous retrouvons des grandes figures historiques comme Charles de Gaulle ou encore un peintre comme Picasso et bien d’autres encore parfois inattendues.



«Ingre (Jean Auguste Dominique)

(1780-1867) peintre français



J’ai vu l’exposition d’Ingres. Le ridicule, dans cette exhibition, domine à un grand degré ; c’est l’expression complète d’une incomplète intelligence ; l’effort et la prétention sont partout ; il ne s’y trouve pas une étincelle de nature.

Eugène DELACROIX, Journal, 15 mai 1855 »





Ce dictionnaire est un petit bijou m’accompagnant à chaque instant car la fameuse forme permets de relire ou de découvrir sans cesse les meilleures injures écrites par les grandes figures littéraires.

Idées noires sur fond blanc de Victoire LECOMTE

« Chaque fois que la lumière s’échappe pour laisser entrer les ombres de la nuit, que mon fils est endormi dans son lit, ils reviennent me hanter. Ils me prennent par les tripes, me rongent le cœur. Jamais je n’avais imaginé que la tristesse puisse faire aussi mal et encore moins qu’elle s’allierait à la douleur physique. Maintenant, je sais ce que c’est d’avoir le cœur serré dans un étau au point de croire qu’il va exploser. »
27 décembre 2007 date fatidique


27 décembre 2007, date de transition entre deux fêtes importantes où la présence de festivité et de magie s’empare des hommes. Mais pour certains, c’est aussi une période de tragédie et de drame à jamais inscrits dans la mémoire.

Camille ne pensait pas que cela allait lui arriver. Cette jeune femme qui comptait passer une simple journée tranquille avec l’ouverture des cadeaux de son fils et une visite à IKEA voit sa vie bouleversée par un coup de téléphone.


« - Que se passe-t-il ?

- C’est Bernard…

Une phrase,

Trois mots,

Trois points de suspension,

Trois petits tours et tu t’en vas… »


Ce n’est pas sur un fond blanc que débute ce roman avec le suicide de Bernard, l’homme de toute une vie pour Camille. Nous allons au fil du livre comprendre leur relation particulière et leur attachement conduisant à la profonde détresse affective de cette femme.


« L’ange gardien que j’ai été pendant plus de deux ans et demi peut froisser ses ailes. Je crois même que je vais les brûler. Ma mission a échoué. Ça m’apprendra à vouloir sauver quelqu’un contre son gré !"


Bernard et Camille : couple passionnel


La rencontre avec Bernard dans un bar est un pur moment de magie au croisement de l’émotion des mots et des gestes. Nous sommes entrainés dans un vrai moment de séduction où un couple fusionnel va se former avec tout ce que cela comporte de positif et de négatif…

La passion est telle qu’elle acceptera de le suivre immédiatement sans réellement savoir où tout cela va l'entrainer. Elle est sous son charme. Camille a trouvé l’homme de sa vie, de toute sa vie…mais cet homme ne présente pas que des qualités. Entre l’alcool, la drogue et la présence d’une autre femme, la relation semble bien complexe. Néanmoins, Camille aime et il en est ainsi. Il y a des choses qui ne se commandent pas, l’amour en fait partie.


Idées noires sur un nuage de culpabilité


Le passage cité volontairement dans la première partie de cette présentation insiste sur le fait que Camille se voyait comme l’ange gardien de Bernard. Cela explique la présence d’un autre personnage prenant une part importante et qui représente un réel fil conducteur : la culpabilité. Il est évident que les reproches fusent dans son esprit, les sommes de « si » posés dans ses pensées font qu’elle se remémore les instants où sa présence et ses gestes auraient dû être différents. Cette confession est une illustration d'une remise en question perpétuelle.


« Je ne le saurai jamais. Tous ces doutes me hantent. Culpabilité, tu es devenue ma meilleure ennemie, comme j’aimerais pouvoir te chasser de ma vie aussi facilement que tu y es entrée. »


Camille et les autres hommes


Avant la disparition de Bernard :

Camille ne se lasse pas réellement de sa relation avec Bernard, mais la présence d’une autre femme la pousse dans les bras d’un autre homme. Néanmoins, quand elle est dans les bras de l’autre, elle pense à lui…


« À partir de cet instant, j’ai décidé de mener ma vie amoureuse d’une autre façon. Je ne voulais plus passer mes journées à attendre que tu la quittes en gardant l’espoir d’un jour prendre sa place. Je savais que ça n’arriverait jamais.

J’ai rencontré quelqu’un. Tout le contraire de toi. Pour résumer : ennuyeux ! Mais il m’apportait un peu de stabilité, ce que je n’avais jamais eu avec toi. »



Après la disparition de Bernard


Camille va rencontrer Jérémy. Leur relation semble tourner autour de la relation amitié homme/femme, mais ce rapport est bien difficile et la frontière avec l’amour n’est jamais très loin. Néanmoins, Jérémy ne la juge pas, il est cultivé, mais ce n’est pas Bernard. Même si Camille tente de le séduire, cela ne sera pas une réussite et leur relation restera amicale.


«Il n’essaye pas comme les autres de me faire tourner la page. Il respecte mon deuil et mon chagrin. Je n’ai jamais pleuré devant lui. »

Camille rencontrera aussi Sébastien, mais cela ne sera pas une relation durable. Quelques années plus tard, elle rencontrera Antoine avec qui si même elle va passer quelques années elle ne revivra jamais ce qu’elle a vécu avec Bernard.

Fin du livre et fin…


Je ne peux vous dévoiler la fin du livre qui restera peut être surprenante ou choquante pour certains, mais elle me semble réaliste pour le lecteur assidu… J’ai juste l’envie de vous faire partager un passage qui ne se situe pas à la fin du livre, mais qui offre une belle opportunité pour la comprendre.

« Tu fais partie de ma vie, il n’y a pas un seul jour où je ne me lève sans. Surprenant, mais je peux encore écrire ce verbe au présent. Penser à toi, à ton absence. Une fois que j’aime que j’ai aimé c’est pour la vie. Il y a une place au fond de moi où tu demeuras pour toujours. Mais ce moment-là n’est pas encore arrivé, je ne peux pas encore conjuguer ce verbe au passé, tu fais toujours partie intégrante de ma vie. Tout mon être reste imprégné de toi. Je crois que l’on n’en a toujours pas fini ensemble, même si les liens terrestres n’existent plus. »


Une auteure, une plume, un talent !


Quand j’ai reçu ce manuscrit, je ne pensais pas que j’allais découvrir une telle plume qui allait me faire tant vibrer. Victoire Lecomte arrive à manier avec brio les retours dans le passé pour concilier son écriture au présent. Elle nous offre, avec goût, lucidité et assurance, de magnifiques citations variées en début de chaque chapitre. De Houellebecq à Baudelaire en passant par Hannah Arendt, ce livre est servi avec les épices nécessaires pour un moment de pure délectation où la dureté des mots et de l’histoire s’associent à la beauté littéraire. Une plume prometteuse et talentueuse à découvrir de toute urgence.

Intime evidence Eva LUNABA

« De cette liaison, leurs amis ne connaissent que l’essentiel, deux comètes qui se sont percutées un soir d’insomnie… sur l’autoroute du Net… en pleins phares, ils se sont reconnus… Astres aimants, ils n’ont même pas eu peur… à tâtons sur l’écran noir de leurs nuits blanches, ils se sont effeuillés… mots croisés… souffles en pointillé… soupirs interlignes… aveux codés… sous le regard complice de leur webcam. »
Une histoire internet pas comme les autres



Une rencontre se tisse sur la toile entre Hani (« un prénom polynésien signifiant « la femme caressée par le soleil ») et Lucas (« un prénom d’origine latine signifiant « lumière ».)

Si jamais aucune rencontre physique n’a lieu et n’aura lieu pour une raison que je ne dévoilerai pas mais qui n’est peut être pas celle que vous pensez, nous ressentons à travers ce court roman de profondes émotions entre les deux protagonistes. Ils iront jusqu’au mariage par internet. Je ne peux m’empêcher de partager ce passage avec vous.



« Ce soir, j’épouse la Femme de ma vie ! brame-t-il dans la rue sous le regard plaisantin des passants…

- Ce soir ? interroge Hani désarçonnée.

- Je ne veux pas attendre, ce soir, sur Internet, sur le site mariage.com je demande ta main !

- T’es sûr que tout va bien Lucas !

- Oui, je suis fou amoureux de toi !

?- Et tu me proposes de t’épouser sur Internet !

- Oui, je sais que cela peut te paraître démentiel, mais c’est le symbole le plus fort que j’ai trouvé pour te dire à quel point tu me rends heureux, combien je tiens à toi et que jamais je n’ai aimé ainsi… jamais ma douce…

- Sur Intern..net ! bégaie-t-elle

- Oui, au berceau de notre rencontre, là où tout a commencé…

- Lucas… je… t’aime, murmure-t-elle émue.

- Je t’aime à en hurler Hani… si je te perdais…. J’en crèverais.

- Si tu me quittais…. j’en mourrais... Lucas. »



Ils partagent réellement tout par internet : les émotions, les petites attentions ou encore la sexualité.


Une musicalité impressionnante



Ce roman se lit sans aucun arrêt possible car nous sommes littéralement bercés par les mots. Eva Lunaba a un style remarquablement étonnant puisque nous sommes entrainés tout au long de ce roman dans une magnifique chanson (quelques titres connus se glissent dans le texte) offrant un rythme endiablé à chaque valse des mots. Les dialogues sont réussis permettant de donner une sonorité à chaque passage et le découpage du roman en neuf parties est réalisé avec brio par une main de maître.



Les cinq sens sont omniprésents dans ce livre où une magnifique histoire d’amour est décrite. Le pari était difficile mais il est réussi : montrer comment une relation purement virtuelle peut bouleverser, transformer des individus et entrainer une passion démentielle parfois plus intense qu’une rencontre réelle.



« Se dire alors que l’on est plus fort qu’elle, que cette relation virtuelle est de celle qui les tire au ciel… Entre eux des aveux qui se glissent… l’envie qui les mord dans le cou… les papillons qui virevoltent dans leurs ventres noués dès la moindre seconde sans eux…

On se surprend à ne vivre que pour ces moments que l’on épie, guette et aspire comme une drogue par la veine palpitante. »

Odette toulemonde de Eric Emmanuel SCHMITT

« Par vos livres, vous montrez que, dans toute vie, même la plus méprisable, il y a de quoi se réjouir, de quoi rire, de quoi aimer. Vous montrez que les petits personnages comme moi ont en réalité beaucoup de mérite parce que la moindre chose leur coute plus qu’aux autres. Grâce à vos livres, j’ai appris à me respecter. A m’aimer un peu. A devenir l’Odette Toulemonde qu’on connait aujourd’hui : une femme qui ouvre ses volets avec plaisir chaque matin et qui les ferme chaque soir aussi avec plaisir. » Voici, un extrait de la lettre d’Odette Toulemonde à son écrivain favori…

En parcourant ce livre, j’ai connu exactement la même sensation qu’Odette Toulemonde, un des personnages d’une des huit nouvelles de ce livre, un pur moment de plaisir. Un recueil de nouvelles à lire pour un grand moment de bonheur !!


Tour d’horizon des huit nouvelles


Ce livre se présente sous la forme de petites nouvelles où nous pouvons constater un effet de surprise et d’émerveillement constamment présent. Si nous devinons certaines scènes (ou le croyons…), d’autres histoires sont loin d’être prévisibles. Parfois surprenantes, tantôt réalistes, nous sommes plongés dans l’univers exceptionnel imaginé par l’auteur.


La première nouvelle, « Wanda Winniperg », raconte l’excentricité de la vie d’une milliardaire qui par une rencontre inattendue va se replonger dans son enfance pauvre.

La seconde, « C’est un beau jour de pluie », est une histoire d’amour entre une femme éternellement insatisfaite et un mari prenant toujours la vie sous son bon aspect. La rencontre, puis le décès de cet homme métamorphoseront-ils cette femme ?

La troisième, « l’intruse », est une histoire marquante, elle est teintée d’un mystère omniprésent, seule la fin offrira une surprise de taille au lecteur. Une femme voit sans cesse une personne dans son appartement sans qu’elle puisse l’interpeller, cette dernière prend un malin plaisir à changer la place des objets…

La quatrième, « le faux » est une belle histoire entre un amant délaissant sa maitresse pour revenir avec son épouse. Mais l’histoire centrale sera un cadeau de l’amant, un tableau de Picasso qui relèvera des surprises jusqu’au bout !

La cinquième, « tout pour être heureux » est le bouleversement de la vie d’une femme en se rendant chez un nouveau coiffeur…

La sixième, la princesse aux pieds nus est une belle histoire d’amour entre un comédien et une princesse un peu spéciale.

La septième, Odette toulemonde a donné une partie du titre à ce recueil de textes. Un écrivain à succès se retrouve attaqué par un polémiste. Ce n’est pas la première fois mais cette fois ci, c’est le coup de trop : il n’arrive pas à s’en remette. Heureusement qu’une lettre, d’Odette Toulemonde, une admiratrice inconditionnelle va changer sa vie !

La huitième et dernière histoire, même si elle peut paraître un peu plus difficile d’accès, est surtout à ne pas manquer car c’est une merveilleuse histoire se déroulant en plein cœur des goulags russes sous Staline.


Des nouvelles riches et exceptionnelles !!


Comme nous pouvons le percevoir dans les petits résumés qui sont loin de tendre vers l’exhaustivité, nous observons un grand mystère autour de multiples personnages à visages différents. Pauvres, riches, curieux, étranges, Eric Emmanuel Schmitt les rend attachants à travers les petites nouvelles proposées. Leur lecture est un réel moment de bonheur faisant réfléchir également à la condition humaine à travers ces différents portraits.

Le sumo qui ne pouvait pas grossir Eric Emmanuel SCHMITT

« Tu penses trop car tu interposes de la pensée entre le monde et toi, tu bavardes plutôt que tu n’observes ; tu projettes des idées préconçues davantage que tu ne saisis les phénomènes. Au lieu de regarder la réalité telle qu’elle se présente, tu la vois à travers les lunettes teintées que tu poses sur le nez » Cette phrase illustre les grandes leçons données par le grand maître Shomintsu à son nouvel élève Juan.
Un livre pas épais mais très riche !


Jun est un enfant de 15 ans qui tente de survivre en vendant différents objets dans les rues japonaises. Il vit seul, sa mère lui envoie des lettres de temps en temps qu’il reçoit devant une boite aux lettres où il a déposé son nom sans y habiter…puisqu’il n’a pas de toit. Sa mère est analphabète mais elle lui envoie des signes qu’il comprend. Une forme de langage existe entre eux malgré qu’il soit parti de la maison depuis quelques années.


Shomintsu, drôle de personnage répète à Jun depuis quelque jours « je vois un gros en toi » mais ce dernier ne comprend pas comment il peut voir dans ce corps rachitique un gros en lui. Cela lui parait bien surréaliste. Si Jun ne répondit pas la première fois, il finit par s’énerver devant l’insistance de Shomintsu. Ce dernier finit par lui donner de l’argent et surtout une place pour assister à un combat de sumo.

Jun ne s’intéresse pas du tout à ce sport national. Il continue sa route mais des aventures avec la police vont le conduire à un tel désespoir qu’il va se retrouver devant ce spectacle. Passé quelques minutes, il va se retrouver en admiration face à un sumo.

Il rentre à l’école de Shominstsu qui est la plus réputée pour apprendre à devenir un sumo. A travers le combat et la compétition, il va apprendre d’autres valeurs beaucoup plus importantes qui vont le conduire dans une autre vie grâce notamment au bouddhisme zen.


Même si le début est difficile, il va mieux s’en sortir grâce à sa dure expérience de la rue…mais il n’est pas au bout du chemin pour devenir un sumo de qualité. Il va devoir apprendre beaucoup pour comprendre toute la philosophie de ce sport, devenir gros dans un premier temps n’est pas chose aisée mais il va devoir également apprendre à gagner…mais cela ne sera pas l’essentiel…


Si nous retrouvons de la spiritualité tout au long de ce livre, nous ne pouvons pas ignorer également la passion amoureuse de Jun pour la soeur d'un excellent sumo...mais cette dernière même si elle survole le livre ne sera dominante. En effet, Jun apprendra que sa rencontre avec Shomintsu n'était pas que le fruit du hasard.

Beauté de la rencontre des personnages qui se retrouvent grandis au contact des autres, Eric Emmanuel Schmitt nous dévoile une histoire originale et passionnante.

Antimanuel d'économie de Bernard MARIS

« Ainsi donc l’auteur de ces essais, malgré tous ses coassements continue d’espérer et de croire que le jour n’est pas éloigné où le Problème Economique sera refoulé à la place qui lui revient : l’arrière plan ». Dès l’ouverture de ce livre, nous retrouvons cette magnifique phrase de John Maynard Keynes extrait de Essays in Persuasion.

Le ton est donné dès le départ avec Bernard Maris qui par sa plume simple et drôle nous dévoile les clés pour comprendre l’économie. Dès le sommaire, nous savons que nous n’allons pas aborder ce livre d’économie comme un autre. Les quatre parties portent toutes des noms évocateurs.


La première, « principes de scolastique économique » malgré un nom qui fait peur est une partie très abordable, l’auteur s’interroge sur la scientificité de l’économie et son lien avec la politique.

La seconde porte bien son nom puisque nous connaissons tous cette fameuse « guerre économique ». La dure loi du marché, la mondialisation, autant de thèmes abordés par l’auteur qui sont aujourd’hui au coeur de l’actualité.

« Le nerf de la guerre », sous la dénomination de cette troisième partie, l’auteur évoque l’argent et le problème du financement de l’économie avec les marchés financiers.

La quatrième partie est au service du partage de ce fameux « butin ».

Elles s’articulent toujours de la même façon avec dans un premier temps la réflexion de l’auteur et des textes d’illustration.

De plus, l’auteur ne s’arrête pas pour comprendre l’économie aux économistes. Ainsi, des textes d’Orwell ou Houellebecq peuvent cohabiter avec des textes de l’économiste Adam Smith du 18ème siècle. Les mots ne vous suffisent pas, alors il suffit d’observer un tableau de Magritte la condition humaine ou encore l’acrobate de Picasso pour comprendre les clés de l’économie. Le lecteur grâce à ce livre dispose de toutes les cartes en mains pour comprendre l’économie avec un réel effort de vulgarisation. Les mécanismes sont très clairement exposés.


Le génie de Maris est de mélanger les styles pour nous faire comprendre son idée : l’économie n’est pas rationnelle et le grand gâteau que représente la richesse économique semble bien difficile à répartir entre les différents acteurs…

Il explique ainsi la création monétaire. Ce mécanisme qui représente la bête noire de nombreux élèves est expliqué avec simplicité et lucidité dans ce texte sans s’arrêter à une vision purement scolaire. Son analyse de la bourse avec la fameuse métaphore de Keynes la comparant à un « concours de beauté » représente une étude intéressante de nos jours où les marchés financiers représentent si souvent l’illusion…


Par ce climat économique difficile que nous traversons actuellement, ce livre est une invitation à faire comme Spinoza devant le réel à « ne pas railler, ne pas pleurer, ne pas détester, il faut comprendre ». Si vous souhaitez comprendre les mécanismes économiques d’une façon ludique avec une pléthore de citations, ce livre est fait pour vous.

Peinture, histoire, sociologie, philosophie, littérature : qui a dit que l’économie se résumait à des équations ?
Rapport Qualité / Prix :
Le rapport qualité/prix est excellent vu le contenu et toutes les sources fournies. Je suis passionné d’économie depuis de nombreuses années et je suis professeur particulier en économie, je recommande à mes élèves d’en faire l’acquisition ou de l’emprunter si cela est possible car c’est un ouvrage offrant l’opportunité pour des non initiés de découvrir, d’apprendre et de comprendre énormément de choses. Il n’est pas seulement un outil au service de l’économie puisqu’il apporte des éléments de culture générale importants.
Public Concerné :
Ce livre s’adresse tant à des profanes en économie qu’à des spécialistes ou passionnés. Un ouvrage de vulgarisation destiné à tous ceux qui veulent tenter de comprendre le monde dans lequel on vit.